Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/598

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Admirable convenance entre la mère et son Fils. prouve c’est que l’Ange, dans les paroles suivantes la proclame pleine de grâce, ce qu’il n’aurait pu faire si elle eut eu quelque bien si petit qu’il fût qu’elle n’eût pas tenu de la grâce.

2. Afin donc que celle qui devait concevoir le Saint des saints et lui donner le jour, fût sainte de corps, elle reçut le don de la virginité, et, pour qu’elle le fût d’esprit, elle reçut celui de l’humilité. Parée des précieux joyaux de ces deux vertus, brillant d’un double éclat dans son corps et dans son âme, comme jusque dans les Cieux pour son aspect et sa beauté, la royale Vierge attira sur elle les regards des citoyens du ciel, inspira même au cœur du Roi des Cieux, le désir de la posséder, et mérita qu’il lui envoyât d’en haut un céleste messager. C’est en effet ce que nous apprend notre Évangéliste, quand il nous dit qu’un ange fut envoyé de Dieu à une vierge : « De Dieu, dit-il, à une vierge, » c’est-à-dire du ciel à une humble femme, du Seigneur à Grande faveur de Dieu, grande excellence de Marie. une servante, du Créateur à une créature. Ô quelle insigne faveur de la part de Dieu, mais combien excellente aussi est cette vierge ! Accourez, vous qui êtes mères, jeunes filles, accourez aussi ; accourez toutes, vous qui, après Ève et à cause d’Ève, êtes enfantées et enfantez vous-mêmes dans la douleur. Venez à ce lit virginal, entrez si vous le pouvez, dans la chambre pudique de votre sœur. Voici, en effet, que Dieu envoie à une vierge, à Marie, un messager, un ange qui lui adresse la parole. Approchez l’oreille de la muraille, écoutez ce qu’il lui dit : peut-être les paroles que vous entendrez vous consoleront-elles.

Adam et Ève sont consolés par Marie. 3. Et toi, Adam, ô notre père, réjouis-toi ; livre-toi à l’allégresse, ô Ève, notre mère ; vous qui ne nous avez pas moins donné la mort à tous, que vous ne nous avez donné la vie ; que dis-je ? Vous qui nous avez voués à la mort avant même que vous nous eussiez mis au monde. Consolez-vous maintenant, l’un et l’autre, consolez-vous, dis-je en cette fille, puisque c’est une telle fille pour vous. Mais console-toi la première, toi d’abord, qui as été la source de tout le mal et dont l’opprobre est retombé ensuite sur toutes les femmes. Nous touchons à l’époque où cet antique opprobre va disparaître, au temps où l’homme n’aura plus rien à reprocher à la femme, l’homme, dis-je, qui n’a point hésité à t’accuser, en cherchant pour lui-même une mauvaise excuse, qui eut d’imprudence et la cruauté de dire : « La femme, que vous m’avez donnée, m’a présenté du fruit de l’arbre et j’en ai mangé (Gen., iii, 12). » Aussi viens vite maintenant à Marie, ô Ève ; ô mère, cours vers ta fille, elle répondra pour sa mère, elle effacera son opprobre et donnera pour elle à son père une juste satisfaction. En effet, si c’est par une femme que l’homme est tombé, ce n’est que par une femme aussi qu’il se relève. Qu’avais-tu donc à dire ô Adam : « La femme que vous m’avez donnée m’a présenté du fruit de l’arbre et j’en ai mangé ? » Ce sont là de méchantes Combien Marie l’emporte sur Ève. paroles ; elles ajoutent à ta faute, loin de la diminuer. Mais la sagesse a vaincu la malice, quand elle a trouvé, dans les inépuisables trésors de sa bonté, cette occasion de pardon que Dieu voulait par sa question, te donner le moyen de lui fournir, et qu’il te donna en vain. Voilà une femme qui prend la place d’une autre femme ; mais l’une est sage et l’autre était insensée, l’une est humble et l’autre était orgueilleuse ; aussi au lieu de t’offrir, ô Adam, du fruit de l’arbre de mort, elle te donne à goûter du fruit de l’arbre de vie, et à la place de l’amertume d’une