Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/306

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ne faisait que de naître. Le peuple était esclave des riches, on avait l’habitude d’être flatteur et vil ; le grand nombre des créanciers intimidait ; les assemblées étaient trop peu nombreuses, les engagements trop connus, trop multipliés. La publicité des suffrages eût fait un peuple d’ennemis ou d’esclaves.

On promit à beaucoup de fripons ; peu eurent les voix ; il y en eut pourtant. La voie du sort eût étouffé l’émulation ; elle convenait peut-être aux offices municipaux, mais elle eût terni l’honneur politique qui les faisait respecter ; elle ne convenait point aux magistratures judiciaires, parce qu’il importe que les juges soient habiles. La voie du sort n’est bonne que dans la république, là où régnerait la liberté individuelle.

Comme le principe des suffrages est la souveraineté, toute loi qui pourrait l’altérer est tyrannie. Le droit que s’arrogent les administrations de transférer les assemblées hors de leur territoire est tyrannie. Le pouvoir que s’attribuent les administrations d’envoyer aux assemblées du peuple des commissaires ou d’y prendre un rang est tyrannie ; ils font taire la liberté qui en est la vie, en y rappelant la décence et le calme qui en sont la mort. Un commissaire est un sujet dans les assemblées du peuple ; s’il y parle, il doit être puni ; le glaive frappait à Athènes les étrangers qui se mêlaient dans les comices ; ils violaient le droit de souveraineté.

Tout ce qui porte atteinte à une constitution libre est un crime affreux, la moindre tache gagne tout le corps. Il n’est rien de plus doux pour l’oreille de la liberté que le tumulte et les cris d’une assemblée du peuple ; là s’éveillent les grandes âmes ; là se démasquent les indignités ; là le mérite éclate dans toute sa force ; là tout ce qui est faux fait place à la vérité.

Le silence des comices est la langueur de l’esprit public ; le peuple est corrompu ou peu jaloux de sa gloire.

Il y avait à Athènes un tribunal qui exerçait la censure sur les élections ; cette censure est en France exercée par les administrations ;