Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/312

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public était l’amour du souverain, parce qu’on redoutait les grands ; l’opinion était superstitieuse parce que l’État était rempli de moines qu’honoraient l’ignorance des grands et la stupidité du peuple ; quand celui-ci a cessé de craindre les grands, abaissés dans le siècle der­nier, et que le crédit des hommes puissants a manqué aux moines, le vulgaire a moins révéré le froc, l’opinion s’est détruite peu à peu, et les mœurs l’ont suivie.

Avant que l’opinion fût tout à fait dessillée, les trésors d’un chapitre portés à la Monnaie auraient armé le clergé ; tout était fanatisme, illusion ; aujourd’hui, on a dépouillé, sans le moindre scandale, les temples, les maisons religieuses ; on a vidé et démoli les lieux saints ; on a porté au Trésor public les vases, les saints, les reliquaires ; on a dénoué en quelque sorte et supprimé les vœux monastiques ; les prêtres n’ont point allumé le ciel ; ils reçurent la plupart la nouvelle de leur suppression comme un de ses bienfaits ; l’opinion n’était plus ni dans le monde ni parmi eux ; on ne confondait plus l’encensoir avec .le Dieu. Tout est relatif dans le monde ; Dieu même et tout ce qui est bon est un préjugé pour le faible ; la vérité n’est sensible qu’au sage.

Quand le cardinal de Richelieu abattit les grands et les moines qu’on haïssait après le sang des guerres civiles, il devint un despote, qu’on commença à redouter ; il prépara sans y penser l’État populaire, tua le fanatisme qui n’a plus poussé que quelques derniers soupirs, et changea l’opinion qui depuis est toujours tombée.

Le clergé contrefit le fanatisme quand il fut sans crédit ; Port-Royal fut l’arène avec la Sorbonne ; personne ne prit sérieusement parti dans ces querelles, et on s’en divertit comme d’un spectacle, où se reproduisent les résolutions des empires qui ne sont plus.

Tout était uni auparavant par une dépendance secrète, on ne dépendit plus que du tyran ; l’opinion fut la crainte et l’intérêt ; aussi ce siècle fut-il celui des flatteurs ; il ne fallait plus de la noblesse dans les armées, elle effrayait le despotisme : Louis XIV la regretta dans la suite et la