Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/46

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Menace, rit, évoque les enfers.
Le jour s’enfuit, l’éclair part, le ciel gronde,
Mille Démons, mille spectres hideux,
De leurs nazeaux, de leurs culs, de leurs yeux,
Soufflent dans l’ombre une lueur immonde.
Le gros Hermite, au donjon de sa tour,
En cercles vains agite sa baguette ;
Enchantemens, grimoires, amulette.
Tout est rebelle, et tout cède à l’Amour.
L’Hermitte enfin sort par une fenêtre.
Assis en l’air sur un grand farfadet ;
Sa dextre main une corne tenait,
L’autre la queue, et le monstre planait.
L’on vit soudain la forêt disparaître.
Et le château du profane Enchanteur
Dans l’horizon s’éclipser en vapeur.
Il ne resta qu’un âne dans la plaine :
Cet âne-là l’on devine sans peine.
Amour sourit avec un air malin,
De ce triomphe, ouvrage de sa main.
Aux flancs de l’âne il ajuste ses ailes,
D’un bond léger lui saute sur le dos,
Et de sa voix caressant les échos,
Sornit s’élève aux plaines éternelles.
Sauf le dessein, peut-être audacieux,
De dérober la foudre dans les cieux.
L’on applaudit à l’heureuse aventure,
Qui de l’Hermite a puni la luxure.
Mais cet amour, enfant capricieux,
Le plus petit et le plus grand des Dieux,
Pour l’intérêt d’une faible vengeance,
En arrachant aux fers un Paladin,
En prépara d’autres au genre humain.
Surcroît aux maux qui menacent la France.
Amour partit, et laissa dans les airs,
Et le tonnerre, et les fatales rênes,
Au gré du vent flottantes incertaines ;
Mais les coursiers qui, frappés des éclairs.