Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/303

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cher Philips ; je le pressai dans mes bras en m’écriant, mon cher époux ! A ce cri si tendre, à ce mot si énergique, Philips ne me répondit rien : il se relevoit peu-à-peu en me regardant fixement ; ses yeux se baignoient de larmes, je l’arrosois des miennes en répétant continuellement, mon cher époux, mon cher époux ! Dès que Philips eut la force de parler, il voulut combattre ma résolution ; je l’arrêtai, je le conjurai, au nom de tout mon amour, de vouloir bien m’entendre : il s’assit auprès de moi en couvrant une de mes mains de ses baisers. Ce moment, qui a décidé du bonheur de ma vie, est encore si présent à ma pensée que je n’en ai pas oublié la plus légère circonstance. Voici ce que je dis à Philips.

Je sçais tout ce que vous pouvez me dire ; je le préviens & j’y réponds. Ma passion pour vous n’est pas aveugle ; je vous connois bien, & vous êtes l’homme que me destinoit la nature. C’est sur la convenance des personnes qu’elle a fondé le bonheur des mariages ; les conventions humaines y ont substitué celle des rangs. Nous sçavons, vous & moi, combien les véritables sages ont de respect pour les conventions humaines ;