Aller au contenu

Page:Saint-Point - Le Secret des inquiétudes, 1924.pdf/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
LE SECRET DES INQUIÉTUDES

— Mais, j’arrive à l’heure convenue.

— Non, puisque je te dis que je t’attends.

— Qu’y a-t-il de si urgent ?

— Voilà. J’ai une grande idée. Elle m’a réveillé cette nuit. Je dormais profondément et, tout d’un coup, cette idée est tombée dans ma cervelle comme un coup de poing dans ma poitrine ; j’ai sursauté et à peine éveillé, j’ai su, tout de suite, que j’avais une grande sonate à composer, que je devais la composer… et que je la composerai.

— Comme c’est drôle ! Tu n’y avais jamais pensé avant cette nuit ?

— Non, tu le sais bien, puisque je ne t’en ai jamais parlé. D’ailleurs, je ne te dis pas que cette nuit je l’ai pensée, je t’ai dit exactement qu’elle m’a été, en quelque sorte, imposée.

— C’est étrange !

— Pas trop. Est-ce que cela ne t’est jamais arrivé, à toi, de recevoir une idée qui te tombe du ciel, tout d’un coup, comme si elle était toute prête, attendant que tu passes à sa portée pour fondre sur toi ?

— Non ; moi, je ne reçois pas de cadeau de ce genre. Je raisonne, et je travaille ferme pour mettre une idée debout, je t’assure. Ni jaillissement, ni spontanéité. On voit bien que tu es un artiste, toi !