Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/103

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caisses et de cymbales qui sévissait dans les œuvres les plus légères :

— C’est pourtant facile à comprendre, me répondit-il : vous avez des ressources dans l’orchestre ; il faut bien les employer…

Gounod, qui avait pratiqué la peinture, savait qu’il n’est pas obligatoire de mettre toute sa palette sur la toile, et il ramena dans l’orchestre du théâtre la sobriété, mère des justes colorations et des nuances délicates. Il supprima les redites insupportables, les longueurs fatigantes qui déparent tant de beaux ouvrages, s’attirant par là ces critiques, incompréhensibles aujourd’hui, dans lesquelles on l’accusait d’écourter ses phrases et ses morceaux ; on attendait toujours la « reprise du motif », et cette attente trompée donnait l’illusion que le motif n’est qu’ébauché, les redites ne l’ayant pas enfoncé comme un clou dans la mémoire. Aux formes convenues sur lesquelles vivait depuis longtemps le récitatif, il en substitua d’autres, serrant de plus près la Nature, qui sont entrées dans la pratique courante. Enfin, il cherchait a diminuer autant que possible le nombre des modulations, jugeant qu’un moyen d’expression aussi puissant ne doit pas être gaspillé, croyant de plus a une action spéciale des tonalités persistantes.

— Quand, depuis un quart d’heure, disait-il, l’orchestre joue en ut, les murs de la salle sont en ut, les chaises sont en ut, la sonorité est doublée.

Il aurait voulu « se bâtir une cellule