Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/234

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on ; ils lui font mal aux yeux ; votre conscience, ils la questionnent et la fouillent ; vos entrailles, ils les tordent ; votre cœur ; ils le brisent ; votre âme, ils l’emportent… »

Ainsi, grand comme Homère et comme Eschyle, comme Shakespeare et comme Dante, d’accord. Grand génie, mais non pas Messie. Le temps des dieux est passé.

Cela ne vaudrait même pas la peine, d’être dit, s’il n’y avait, sous cette illusion, des pièges et des dangers.

Danger de l’imitation, d’abord. Tout grand artiste apporte des procédés nouveaux ; ces procédés entrent dans le domaine public : chacun a le droit, le devoir même de les étudier, d’en profiter comme d’une nourriture ; mais l’imitation doit s’arrêter là. Si l’on veut suivre le modèle pas à pas, si l’on n’ose s’en écarter, on se condamne, à l’impuissance ; on ne fera jamais que des œuvres artificielles, sans vie comme sans portée.

Un autre danger est de s’imaginer que l’art a fait table rase, qu’il commence une carrière toute nouvelle et n’a plus rien à voir avec le passé. C’est à peu près comme si l’on s’avisait, pour faire croître un arbre, de supprimer ses racines.

Il n’y a pas d’études sérieuses sans le respect et la culture de la tradition.

« La tradition est une force, une lumière, un enseignement. Elle est le dépôt des facultés les plus profondes d’une race. Elle assure la solidarité int