Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rôle de Sapho ; une autre, de belle voix et non sans talent, reprit le rôle avec la triste figure que fait le talent à côté du génie ; encore deux représentations, et cet ouvrage, qui marque une date dans l’histoire de l’opéra français, fut abandonné.

Longtemps après, on le reprit en deux actes — il en avait primitivement trois : — c’était une mutilation. Plus tard encore, sur la demande de Vaucorbeil, les auteurs l’étirèrent en quatre actes, l’agrémentant d’un ballet, et ce fut pis encore. Comment un homme de théâtre comme Augier avait-il pu consentir à démolir ainsi son œuvre ? De peu d’intrigue, ainsi qu’il convenait à un tel sujet, la pièce comportait trois actes, rien de plus, rien de moins, et les ronds de jambe n’y avaient que faire. Au succès obtenu, lors de cette dernière reprise, par les morceaux de l’ancienne Sapho on pouvait juger de la faveur qui l’eût accueillie, si elle était réapparue dans l’éclat de sa fraîcheur première.

Ma grande intimité avec Gounod date des chœurs d’Ulysse. Ainsi qu’Augier, Ponsard était un familier du salon de Mme Viardot où les littérateurs les moins férus de musique étaient attirés par son mari, littérateur distingué lui-même, mis en vue par une traduction de Don Quichotte fort estimée et par des travaux sur la peinture, diversement appréciés, mais très remarqués. Ponsard, ayant songé à tirer de l’Odyssée les éléments d’une tragédie mêlée de chœurs à la manière antique, choisit Gounod