Page:Saint-Saëns - Portraits et Souvenirs, Société d’édition artistique.djvu/67

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des idées et des procédés qui distinguent ces deux ouvrages, je lui dis étourdiment (il me passait tout) qu’il ne saurait jamais mieux faire. « Peut-être », me répondit-il, sur un ton étrange, et ses yeux semblaient viser un inconnu lointain et profond. Il y avait déjà Faust dans ces yeux-là….

Qu’il me soit permis de m’arrêter un instant ici pour payer mon tribut de reconnaissance au maître, qui, déjà en pleine possession de son talent, ne dédaignait pas de me faire, tout écolier que j’étais encore, le confident de ses plus intimes pensées artistiques et de verser sa science dans mon ignorance. Il dissertait avec moi comme avec un égal ; c’est ainsi que je devins, sinon son élève, du moins son disciple, et que j’achevai de me former à son ombre, ou plutôt à sa clarté.


III

Dans l’entourage du jeune maître, on se montrait inquiet. Il lui fallait prendre sa revanche à l’Opéra, et pour cela trouver un bon livret, chose rare en tout temps. On lui proposa la Nonne Sanglante, que Germain Delavigne (Germain, frère du célèbre Casimir) avait tirée d’un roman anglais, je crois, avec l’aide de Scribe. C’était lui faire un assez triste cadeau : Meyerbeer, Halévy, un instant séduits par ce poème, avaient renoncé à en tirer parti ; Berlioz,