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BATAILLE DE NEERWINDEN.

qu’auprès d’un grand ravin à la droite, de manière qu’il falloit aller à eux par entre les deux villages, d’où il les falloit chasser, et qui étoient trop proches pour laisser de quoi s’étendre, ce qui obligeoit nos troupes d’être sur plusieurs lignes et leur causoit le désavantage d’être débordées surtout sur notre gauche ; et cependant les batteries qu’ils avoient disposées fort près à près sur le haut de leur retranchement, entre les deux villages, et beaucoup mieux disposées que les nôtres, fouettoient étrangement notre cavalerie, repliée très-confusément vis-à-vis, par la raison que je viens de dire.

M. le prince de Conti, le maréchal de Villeroy et beaucoup d’infanterie attaqua le village de notre droite, nommé Bas-Landen. Feuquières, lieutenant général, qui ne manquoit ni de capacité ni de courage, fut accusé de n’avoir voulu faire aucun mouvement. En même temps Montchevreuil, sous le maréchal de Joyeuse, qui tout à cheval arracha le premier cheval de frise, attaqua le village de notre gauche appelé Neerwinden, qui donna le nom à la bataille. Montchevreuil y fut tué, et fut remplacé par Rubentel, autre lieutenant général, et par le duc de Berwick, qui y fut pris. Ces deux attaques à la droite et à la gauche furent vivement repoussées, et sans le prince de Conti le désordre auroit été fort grand à celle de la droite. M. de Luxembourg, voyant l’infanterie presque rebutée, fit avancer toute la cavalerie au petit trot, comme pour forcer les retranchements du front ou d’entre les deux villages. L’infanterie ennemie qui les bordoit laissa approcher la cavalerie plus près que la portée du pistolet, et fit dessus une décharge si à propos, que les chevaux tournèrent bride et retournèrent plus vite qu’ils n’étoient venus. Ralliée à peine par ses officiers et les officiers généraux, elle fut ramenée avec la même furie, mais avec le même malheureux succès deux fois de suite. Ce n’étoit pas que M. de Luxembourg comptât de faire entrer la cavalerie dans ces retranchements qu’on pouvoit à