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BATAILLE DE NEERWINDEN.

core dans l’éloignement. En même temps notre cavalerie commença à déboucher de ce village dans la plaine et à se remettre à mesure du désordre d’un si étrange défilé.

Tout cela ensemble ébranla les ennemis qui commencèrent à se retirer dans le retranchement du fond et à abandonner le village, le curé duquel eut tout ce grand et long spectacle du haut de son clocher où il s’étoit grimpé. Leur cavalerie, qui n’avoit point encore paru, sortit de derrière le retranchement du front et du village, s’avança en bon ordre dans la plaine où la nôtre débouchoit, et y fit d’abord plier des troupes d’élite, jusqu’alors invincibles, mais qui n’avoient pas eu le loisir de se former et de se bien mettre en bataille en sortant de ces fâcheux passages du village par où il avoit fallu défiler dans la plaine. Les gardes du prince d’Orange, ceux de M. de Vaudemont et deux régiments anglois en eurent l’honneur ; mais ils ne purent entamer ni faire perdre un pouce de terrain aux chevau-légers de la garde, peut-être plus heureusement débouchés dans la plaine et mieux placés et formés que les autres troupes. Leur ralliement fait en moins de rien, elles firent bientôt merveille, tandis que le reste de la cavalerie débouchoit et se formoit à mesure qu’ils sortoient du village.

M. le duc de Chartres chargea plusieurs fois à la tête de ses braves escadrons de la maison du roi avec une présence d’esprit et une valeur dignes de sa naissance, et il y fut une fois mêlé et y pensa demeurer prisonnier. Le marquis d’Arcy, qui avoit été son gouverneur, fut toujours auprès de lui en cette action, avec le sang-froid d’un vieux capitaine et tout le courage de la jeunesse, comme il avoit fait à Steinkerque. M. le Duc, à qui principalement fut imputé le parti de cette dernière tentative des régiments des gardes françaises et suisses pour emporter le village de Neerwinden, fut toujours entre le feu des ennemis et le nôtre. Cependant toute notre cavalerie, passée et formée dans la plaine, alla jusqu’à cinq différentes fois à la charge ; et à la fin, après