Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/194

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religieuse et abbesse de Notre-Dame de Troyes, où elle mourut en 1602), on ne s’accoutume point, dis-je, à lui voir marier sa seule fille à René Potier, et une fille de cette naissance et qui, par la mort de son frère unique sans enfants, pouvoit apporter tous les biens de cette grande maison et la dignité de duc et pair, si rare encore, à son mari ; et il faut noter que le premier duc de Piney fit ce mariage dans son château de Pongy, sa principale demeure, et où il mourut six où sept ans après son fils unique, n’ayant que quatorze ans lors de ce mariage.

René Potier étoit alors uniquement bailli et gouverneur de Valois. Il ne fut chambellan du roi et gouverneur de Châlons que l’année d’après son mariage et même dix-huit mois, et trois ans après capitaine des gardes du corps qu’il acheta de M. de Praslin. Il poussa après sa fortune, à force d’années, jusqu’à devenir duc et pair à l’étrange fournée de 1663 ; et son fils, le gros duc de Gesvres, vendit sa charge de capitaine des gardes du corps à M. de Lauzun, et acheta celle de premier gentilhomme de la chambre qui a passé à sa postérité avec le gouvernement de Paris qu’il eut à la mort du duc de Créqui. René Potier dont il s’agit étoit fils et frère aîné de secrétaires d’État, qui, et longtemps depuis, n’avoient pas pris le vol où ils se sont su élever. Le secrétaire d’État étoit énormément riche ; il avoit été secrétaire du roi, puis secrétaire du conseil, et avoit travaillé dans les bureaux du secrétaire d’État Villeroy. Il ne fut secrétaire d’État qu’en février 1589. Son père étoit conseiller au parlement, et son grand-père prévôt des marchands, dont le père étoit général des monnaies, au delà duquel on ne voit rien. Il ne faut donc pas croire que les mésalliances soient si nouvelles en France ; mais à la vérité elles n’étoient pas communes alors.

Le second duc de Piney mourut si jeune qu’on ne sait quel il eût été. Le mariage de sa fille, et presque unique héritière, fut l’effet et l’effort de la faveur alors toute-puissante