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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/199

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bientôt par trop à l’un par la fierté et les prétentions absolues de l’autre, d’où naquit la prison des princes, pendant laquelle la princesse douairière de Condé se retira à Châtillon-sur-Loire avec la fidèle amante de son fils, et y mourut. De la délivrance forcée des princes aux désordres, puis à la guerre civile qu’entreprit M. le Prince, il n’y eut presque pas d’intervalle. La bataille du faubourg Saint-Antoine la finit, et jeta M. le Prince entre les bras des Espagnols jusqu’à la paix des Pyrénées.

Bouteville le suivit partout. Sa valeur et ses mœurs, son, activité, tout en lui étoit fait pour plaire au prince, et toutes sortes de liaisons fortifioient la leur. À ce retour en France, Mme de Châtillon reprit son empire. Son frère avoit trente-trois ans. Il avoit acquis de la réputation à la guerre ; il étoit devenu officier général, et avoit auprès de M. le Prince le mérite d’avoir suivi sa fortune jusqu’au bout ; [ce] qu’il partageoit avec fort peu de gens de sa volée. Ils cherchèrent donc une récompense qui fît honneur à M. le Prince, et une fortune à Bouteville, et ils dénichèrent ce mariage du second lit de l’héritière de Piney avec M. de Clermont. Elle étoit laide affreusement et de taille et de visage ; c’étoit une grosse vilaine harengère dans son tonneau, mais elle étoit fort riche par le défaut des enfants du premier lit, dont l’état parut à M. le Prince un chausse-pied pour faire Bouteville duc et pair. Il crut d’abord se devoir assurer de la religieuse. Elle avoit souvent murmuré contre ses vœux. Il craignit qu’un grand mariage de sa sœur du second lit ne la portât à un éclat embarrassant. Il la fut trouver à sa grille, et moyennant une dispense du pape dont il se chargea pour la défroquer, et un tabouret de grâce ensuite, elle consentit â tout, demeura dans ses vœux et signa tout ce qu’on voulut. Rien ne convenoit mieux au projet que de la lier de nouveau à ses vœux, et ce tabouret de grâce devenoit un échelon pour la dignité en faveur du mariage de la sœur. Le pape accorda la dispense de bonne grâce, et la