Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. de Luxembourg prétendoit que l’effet des érections femelles alloit à l’infini ; que Mme de Tingry, quoique dans le monde demeurant sous ses vœux, et son frère ayant cédé sa dignité et ses biens à sa sœur du second lit, par son contrat de mariage, lui diacre et par conséquent hors d’état de se pouvoir marier, cette fille du second lit qu’il avoit épousée passoit aux droits des enfants du premier lit qui se trouvoient épuisés, et de plein droit le faisoit duc et pair de la date de la première érection ; que la clause en tant que besoin seroit, apposée aux lettres nouvelles qu’il avoit obtenues aussitôt après son mariage, annuloit toute la force que cette nouvelle érection pouvoit donner contre lui, et que ce qui achevoit de l’anéantir étoit ce qu’il avoit plu au roi de déclarer par ses lettres patentes en 1676, qu’il n’a point entendu ériger de nouveau Piney en duché-pairie en 1661, mais bien le renouveler en faveur de M. de Luxembourg, d’où il concluoit qu’il étoit par là manifeste que son ancienneté remontoit à la première érection de 1581.

Les opposants prétendoient au contraire qu’aucune érection femelle n’étoit

infinie ; que son effet étoit borné à la première fille qui le recueilloit, et que si elles avoient quelquefois passé à une seconde fille, ç’avoit été tout, jamais audelà, et encore par grâce et à la faveur de nouvelles lettres en continuation de pairie, avec rang du jour de ces nouvelles lettres ; qu’ainsi l’ancienne érection de Piney étoit éteinte dans le sang du premier mari de la duchesse héritière. Ce qui étoit si vrai qu’elle avoit perdu son rang et ses honneurs de duchesse en se remariant, bien loin qu’elle les eût communiqués à son second mari, tant la dignité demeuroit fixée et immuable dans son fils du premier lit ; que, pour la démission qu’il en avoit faite ainsi que de ses biens à sa sœur du second lit par son contrat de mariage, cette démission avoit deux vices qui la rendoient absurde et nulle, et un troisième qui la faisoit impossible : le premier, son état d’interdit devant et après, qui, n’ayant été levé que