Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/214

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été connues jusqu’alors, elles ne pouvoient passer pour contradictoires et pour juger, sans entendre les parties, un procès pendant entre elles, et un procès de telle qualité et entre de telles parties sous la cheminée, et demeurer incognito vingt ans ainsi dans la poche de M. de Luxembourg. Deuxièmement enfin, qu’à toute rigueur l’expression de renouveler n’emportoit point le rang d’ancienne érection, puisqu’en effet un ancien duché-pairie, autrefois érigé pour une maison, et depuis érigé pour une autre, n’étoit à l’égard de cette terre qu’un véritable renouvellement. Telles furent les raisons fondamentales de part et d’autre sur lesquelles on comprend que les avocats trouvèrent de quoi exercer leur éloquence d’une part, leurs subtilités de l’autre ; mais ce qui vient d’être exposé suffit pour expliquer toute la matière en gros sur laquelle roula tout ce procès.

Disons un mot des opposants, desquels il faut ôter MM. de Chevreuse et de Bouillon, par les raisons qui en ont été rapportées. M. d’Elbœuf ne fit que nombre et ne se mêla jamais de rien, sinon de demeurer uni aux autres. M. de Ventadour parut quelquefois aux assemblées, fit à peu près ce qu’on désira de lui, mais au payement près, il ne menoit pas une vie à le mettre en œuvre. M. de Vendôme se présenta et fit bien, mais à sa manière et ne pouvant se contraindre à rien. M. de Lesdiguières étoit un enfant, et sa mère une espèce de fée, sur qui son cousin de Villeroy avoit tout crédit ; ainsi ce fut beaucoup pour elle que de laisser le nom de son fils, dont elle étoit tutrice, parmi ceux des opposants. M. de Brissac obscur, ruiné et d’une vie étrange, ne sortoit plus de son château de Brissac, et ne fit que laisser son nom parmi les autres. M. de Sully peu assidûment, mais fermement. MM. de Chaumes, de Richelieu, de La Rochefoucauld et de La Trémoille, étoient ceux sur qui tout portoit, auquel le bonhomme M. de La Force se joignit dignement tant qu’il put, et M. de Rohan aussi ; mais M. de Richelieu et lui étoient gens à boutade qui ne donnèrent