Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/231

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Goth, marquis de Rouillac, grand sénéchal de Guyenne ; leur fils, Louis Goth, marquis de Rouillac, hérita de la terre d’Épernon. Il mourut en 1662, et laissa un fils né en 1631, qui porta le nom de marquis de Rouillac, mais qui fut plus connu sous le nom de faux duc d’Épernon, parce qu’il en prit le titre après la mort de son père, qu’il se faisoit donner par ses amis et par ses valets. C’étoit un homme violent, extraordinaire, grand plaideur, et qui eut des aventures de procès fort désagréables. Il se piqua d’une grande connoissance de l’histoire, et fit imprimer un ouvrage de la véritable origine de la dernière race de nos rois qui trouva des critiques et des savants qui le réfutèrent. Il n’eut jamais aucun honneur, ni ne put obtenir permission de porter ses prétentions en jugement. Il ne laissa qu’une seule fille et point de fils, et fut le dernier de sa branche. Cette fille se trouva avoir infiniment d’esprit, de savoir et de vertu ; elle se fit beaucoup d’amis et d’amies, et entre autres Mademoiselle, fille de Gaston, qui obtint du roi de fermer les yeux à ce qu’elle se fit appeler Madame, comme duchesse d’Épernon, sans pourtant en avoir, ni rang, ni honneur, ni permission de faire juger sa prétention.

Ce procès de M. de Luxembourg la réveilla. Le cardinal d’Estrées étoit fort bien auprès du roi, et toute sa maison étoit en splendeur. Elle s’adressa à lui et au maréchal d’Estrées, son frère, pour obtenir la permission du roi de faire juger sa prétention en épousant le comte d’Estrées, vice-amiral, en survivance du maréchal son père. Le roi y entra, et aussitôt MM. d’Estrées se mirent en grand mouvement ; ils sentirent bien que la sœur d’un homme fait duc et pair, et non appelée par ses lettres d’érection au défaut de sa postérité, n’a nul droit d’y rien prétendre, mais ils espérèrent de nous épouvanter par leur bruit et leur crédit, et en même temps de nous séparer et de nous séduire. Ils briguèrent donc ceux qu’ils purent, et nous firent proposer de se départir de l’ancienneté et de prendre la queue, mais