Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/249

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qui la regardoient. M. et Mme de Ventadour ne vouloient pas ouïr parler d’un cadet fort peu accommodé. M. et Mme de Bouillon ne s’y opposoient pas moins, parce qu’ils désiroient la remarier au duc d’Albret, devenu leur aîné, duquel elle ne vouloit en aucune sorte, tellement que, par concert de famille, le roi fut supplié d’envoyer le chevalier de Bouillon refroidir ses amours à Turenne, où ils le tinrent jusqu’à ce qu’il n’en fût plus question ; mais elle aussi tint bon à refuser l’aîné. M. de Soubise regarda ce grand mariage comme la plus solide base de sa branche. Il avoit de bonnes raisons pour n’être pas difficile au choix la beauté de sa femme l’avoit fait prince et gouverneur de province, avec espérance de plus encore. La richesse d’une belle-fille, de quelque réputation qu’elle fût, lui parut mériter le mépris du qu’en-dira-t-on. En deux mots, le mariage se fit.

Il y avoit une vieille bourgeoise au Marais chez qui son esprit et la mode avoient toujours attiré la meilleure compagnie de la cour et de la ville ; elle s’appeloit Mme Cornuel, et M. de Soubise étoit de ses amis. Il alla donc lui apprendre le mariage qu’il venoit de conclure, tout engoué de la naissance et des grands biens qui s’y trouvoient joints. « Ho ! monsieur, lui répondit la bonne femme qui se mouroit, et qui mourut deux jours après, que voilà un grand et bon mariage pour dans soixante ou quatre-vingts ans d’ici ! » Le duc de Montfort, fils aîné du duc de Chevreuse, épousa en même temps la fille unique de Dangeau, chevalier de l’ordre et de sa première femme, fille de Morin dit le Juif, sœur de la maréchale d’Estrées. Elle passe pour très-riche, mais aussi pour ne pas retenir ses vents, dont on fit force plaisanteries.

Le duc de Villeroy en même temps épousa la seconde fille de Mme de Louvois, fort riche et charmante, sœur de M. de Barbezieux, et sœur aussi fort cadette de la duchesse de