Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/257

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à onze heures du matin, à grand bruit de guerre, sur neuf colonnes qui firent la caracole en partant, en présence des ennemis qui occupoient l’autre côté du ruisseau, et campoient sur le revers des hauteurs qui étoient derrière, où le petit combat s’étoit donné. Toutes ces colonnes passèrent un bois avec tant de justesse que dans la plaine de Schweitzingen, où elles se mirent en bataille aussitôt, chaque brigade s’y trouva dans son ordre et dans sa place. On défila ensuite avec grand ordre et promptitude, sur un pont et par un gué d’un gros ruisseau, les troupes en bataille, jusqu’à ce que ce fût à chacune à passer. Le maréchal de Joyeuse se tint au pont pour maintenir l’ordre et diligenter tout, et le maréchal de Lorges à son arrière-garde. Tout fut passé en deux heures, parce que les vivres, l’artillerie et les gros et menus bagages avoient pris les devants. On crut quelque temps que cette marche seroit inquiétée, mais on sut après que le prince Louis de Bade, qui commandoit l’armée impériale, ne l’avoit osé, et avoit dit tout haut aux siens que cette marche étoit trop bien ordonnée pour qu’il la pût attaquer avec succès.

Nous campâmes aux Capucins de Philippsbourg, où en allant toute l’armée s’étoit jointe, et comme tous les équipages étoient à Obersheim, avec la réserve et Romainville, qui la commandoit, un des plus anciens et des plus dignes brigadiers de cavalerie, chacun se fourra comme il put dans Philippsbourg, où le gouverneur me fit donner la chambre du major, et où La Châtre, qui en eut le vent, me fit demander de s’y venir réfugier avec moi. Le lendemain, le major nous donna à déjeuner ; et, tandis que l’armée défiloit sur le pont du Rhin, j’allai faire ma cour aux deux maréchaux, et de là je la fus joindre à Obersheim, où elle campa.

Nous passâmes à Spire, dont je ne pus m’empêcher de déplorer la désolation.

C’étoit une des plus belles et des plus florissantes villes de l’empire ; elle en conservoit les archives ;