Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/316

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Lorges pour y recevoir le monde. Le lendemain de ces visites, auxquelles on ne donna qu’un jour, nous allâmes à Versailles. Le soir le roi voulut bien voir la nouvelle mariée chez Mme de Maintenon où ma mère et la sienne la lui présentèrent. En y allant, le roi m’en parla en badinant, et il eut la bonté de les recevoir avec beaucoup de distinction et de louanges. De là elles furent au souper, où la nouvelle duchesse prit son tabouret. En arrivant à la table le roi lui dit : « Madame, s’il vous plaît de vous asseoir. » La serviette du roi déployée, il vit toutes les duchesses et princesses encore debout, il se souleva sur sa chaise et dit à Mme de Saint-Simon : « Madame, je vous ai déjà priée de vous asseoir ; » et toutes celles qui le devoient être s’assirent, et Mme de Saint-Simon entre ma mère et la sienne qui étoit après elle. Le lendemain elle reçut toute la cour sur son lit dans l’appartement de la duchesse d’Arpajon comme plus commode parce qu’il étoit de plain-pied ; M. le maréchal de Lorges et moi ne nous y trouvâmes que pour les visites de la maison royale. Le jour suivant elles allèrent à Saint-Germain, puis à Paris, où je donnai le soir un grand repas chez moi à toute la noce, et le lendemain un souper particulier à ce qui restoit d’anciens amis de mon père, à qui j’avois eu soin d’apprendre mon mariage avant qu’il fût public, et lesquels j’ai tous cultivés avec grand soin jusqu’à leur mort.

Mlle de Quintin ne tarda pas longtemps à avoir son tour. M. de Lauzun la vit sur le lit de sa sœur avec plusieurs autres filles à marier ; elle avoit quinze ans et lui plus de soixante-trois ans. C’étoit une étrange disproportion d’âge ; mais sa vie jusqu’alors avoit été un roman, il ne le croyoit pas achevé, et il avoit encore l’ambition et les espérances d’un jeune homme. Depuis son retour à la cour et son rétablissement dans les distinctions qu’il y avoit eues ; depuis même que le roi et la reine d’Angleterre, qui le lui avoient valu, lui avoient encore procuré la dignité de duc vérifié, il