Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/336

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dans Namur ; il y courut, se déguisa à Dinant en batelier, traversa le camp des assiégeants et entra dans Namur en passant la Meuse à la nage.

Cependant le maréchal de Villeroy serroit M. de Vaudemont le plus près qu’il pouvoit, et celui-ci, de beaucoup plus foible, mettoit toute son industrie à esquiver. L’un et l’autre sentoient que tout étoit entre leurs mains : Vaudemont, que de son salut dépendoit le succès du siège de Namur, et Villeroy, qu’à sa victoire étoit attaché le sort des Pays-Bas et très vraisemblablement une paix glorieuse et toutes les suites personnelles d’un pareil événement. Il prit donc si bien [ses] mesures qu’il se saisit de trois châteaux occupés sur la Mundel par cinq cents hommes des ennemis, et qu’il s’approcha tellement de M. de Vaudemont, le 13 au soir, qu’il étoit impossible qu’il lui échappât le 14, et le manda ainsi au roi par un courrier. Le 14 dès le petit jour tout fut prêt. M. le Duc commandoit la droite, M. du Maine la gauche. M. le prince de Conti toute l’infanterie, M. le duc de Chartres la cavalerie : c’étoit à la gauche à commencer, parce qu’elle étoit la plus proche. Vaudemont, pris à découvert, n’avoit osé entreprendre de se retirer la nuit devant des ennemis si proches, si supérieurs en nombre et en bonté de troupes, toutes les meilleures étant au siège ; et un ennemi dont rien ne le séparoit. Il n’osa encore l’attendre sans être couvert de quoi que ce soit, et il, n’eut de parti à prendre que de marcher au jour avec toutes les précautions d’un général qui compte bien qu’il sera attaqué dans sa marche, mais qui a un grand intérêt à s’allonger toujours pour se tirer d’une situation fâcheuse, et gagner comme il pourra un pays plus couvert et coupé, à trois bonnes lieues d’où il se trouvoit.

Le maréchal de Villeroy manda dès qu’il fut jour à M. du Maine d’attaquer et d’engager l’action, comptant de le soutenir avec toute son armée, et qui pour arriver à temps avoit besoin que les ennemis fussent retardés, puis empêchés