Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/342

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nos côtes ; ensuite il eut ordre de tenter tout pour le secours de Namur ; mais l’occasion, qui est chauve, ne revint plus. Il trouva les ennemis si bien retranchés sur la Mehaigne, qu’il ne put les attaquer. Il la longea, et, chemin faisant, il la fit passer aux brigades de cavalerie de Praslin et de Sousternon qu’il lâcha sur une quarantaine d’escadrons des ennemis dont ces brigades se trouvèrent le plus à portée, et qui les poussèrent fort vivement : Praslin s’y distingua fort, et Villequier y eut une main estropiée ; cette blessure lui fit moins d’honneur sur les lieux qu’à la cour, mais tout cela ne fut qu’une échauffourée. Le secours demeura impossible. L’armée s’éloigna ; et le château, après avoir pensé être emporté aux deux derniers assauts, capitula pour sortir le 5 septembre, n’y ayant pas trois mille hommes en santé de toute la garnison.

La capitulation fut honorable, traitée et signée corme celle de la ville. La difficulté fut pour la sortie du maréchal de Boufflers : il en faisoit une grande, avec raison, de saluer l’électeur de Bavière de l’épée, et n’en auroit pu faire au prince d’Orange s’il avoit été reconnu. Enfin il fallut s’y résoudre, parce que ce dernier voulut au moins rendre le salut équivoque. Pour cela, l’électeur se tint toujours à son côté, et n’ôtoit son chapeau qu’après que le prince d’Orange avoit ôté le sien, qui, par cette affectation, marquoit qu’il recevoit le salut, et que l’électeur ne se découvroit ensuite que parce que lui-même étoit découvert. Cela se passa donc de la sorte à l’égard du maréchal, puis de Guiscard, sans mettre pied à terre, et de tout ce qui les suivit. Les compliments se passèrent entre l’électeur et eux ; et le prince d’Orange ne s’y mêla point, parce qu’il n’auroit point eu de Sire ni de Majesté ; mais l’électeur lui rapportoit tout, ne lui parloit jamais que le chapeau à la main ; le prince d’Orange se contentoit de se découvrir quelquefois seulement et peu, pour lui parler ou pour lui répondre, et le plus souvent sans se découvrir.