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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/36

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xxxii
INTRODUCTION.

travailler à corriger son esprit. Il se livrait à toutes ses passions intellectuelles et à ses aversions morales sans scrupule, et sauf à se mettre en règle à de certains temps réguliers et à s’en purger la conscience, prêt à recommencer aussitôt après. Cette manière un peu machinale et brusque de considérer le remède religieux, sans en introduire la vertu et l’efficace dans la suite même de sa conduite et de sa vie, annonce une nature qui avait reçu par une foi robuste la tradition des croyances plutôt qu’elle ne s’en était pénétrée et imbue par des réflexions lumineuses. En tout, Saint-Simon est plutôt supérieur comme artiste que comme homme ; c’est un immense et prodigieux talent, plus qu’une haute et complète intelligence.

Après la mort de Saint-Simon, ses Mémoires eurent bien des vicissitudes. Ils sortirent des mains de sa famille pour devenir des espèces de prisonniers d’État ; on craignait les divulgations indiscrètes. On voit que Duclos et Marmontel en eurent connaissance, et en firent un ample usage dans leurs travaux d’historiographes. M. de Choiseul, pendant son ministère, en prêta des volumes à Mme du Deffand qui en écrivit ses impressions à Horace Walpole auquel elle aurait voulu également les prêter et les faire lire : « Nous faisons une lecture l’après-dîner, lui mandait-elle (21 novembre 1770), les Mémoires de M. de Saint-Simon, où il m’est impossible de ne pas vous regretter ; vous auriez des plaisirs indicibles. » Elle dit encore à un autre endroit (2 décembre) : « Les Mémoires de Saint-Simon m’amusent toujours, et comme j’aime à les lire en compagnie, cette lecture durera longtemps ; elle vous amuserait, quoique le style en soit abominable, les portraits mal faits ; l’auteur n’était point un homme d’esprit ; mais comme il était au fait de tout, les choses qu’il raconte sont curieuses et intéressantes ; je voudrais bien pouvoir vous procurer cette lecture. »

Elle y revient pourtant et corrige ce qui peut étonner dans ce premier jugement tumultueux (9 janvier 1771). « Je suis