Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/364

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ans, étoit fils de son frère. Ils n’oublièrent rien pour élever leur famille par argent, par alliances, par troubles et par toutes sortes de voies. Le duché d’Urbin et d’autres grands fiefs y entrèrent, qui pour la plupart sont retournés aux papes. Ces la Rovere ont eu trois ducs d’Urbin.

M. le prince de Conti gagna tout d’une voix son procès contre Mme de Nemours à l’audience de la grand’chambre, c’est-à-dire la permission de prouver que M. de Longueville étoit en état de tester lorsqu’il fit son testament en sa faveur, à quoi lui servit beaucoup son ordination postérieure à l’ordre de prêtrise par les mains du pape, et ce jugement préliminaire emportoit le fond, supposé les preuves. J’étois dans la lanterne avec M. le prince de Conti, M. le Duc et M. de La Rocheguyon, assis sur le banc et devant nous le peu des premiers officiers de ces princes qui y purent tenir. Toute la France en hommes remplissoit la grand’chambre. Le plaidoyer, déjà commencé en une autre audience, remplit celle-ci. Il fut très-éloquent, et tout de suite suivi d’un jugement. Jamais on n’ouït de tels cris de joie, ni tant d’applaudissements ; la grande salle étoit pleine de monde qui retentissoit ; à peine pûmes-nous passer. M. le prince de Conti se contint fort, mais il parut fort sensible et à la chose et à la part générale qu’on prenoit pour lui. On ne laissa pas dans le monde d’appeler un peu de ce jugement, sans se soucier pourtant de Mme de Nemours, à qui le choix de son héritier ne laissa pas de faire grand tort. La colère qu’elle conçut de cette décision est inconcevable, et tout ce qu’elle dit de plaisant et de salé contre sa partie et contre ses juges. Ce ne fut encore que le commencement de leurs combats.

Cet hiver fut fertile en mariages, Barbezieux les commença, il épousa la fille aînée de d’Alègre, qui fit à cette occasion une fête aussi somptueuse que pour l’alliance d’un prince du sang. Il étoit maréchal de camp, il en espéroit sa fortune, il eut tout le temps de s’en repentir.