Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/454

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puis la princesse soupa seule dans son appartement, où Mme de Maintenon et Mme la princesse de Conti ensuite, la virent en particulier. Le lendemain elle fut voir Monsieur et Madame chez eux, et Monseigneur chez Mme la princesse de Conti, et reçut force bijoux et pierrerie ; et le roi envoya toutes les pierreries de la couronne à Mme de Mailly pour en parer la princesse tant qu’elle voudroit.

Le roi régla qu’on la nommeroit tout court la princesse, qu’elle mangeroit seule, servie par la duchesse du Lude, qu’elle ne verroit que ses dames et celles à qui le roi en donneroit expressément la permission, qu’elle ne tiendroit point encore de cour, que Mgr le duc de Bourgogne n’irait chez elle qu’une fois tous les quinze jours, et MM. ses frères une fois le mois. Toute la cour retourna le 8 novembre à Versailles, où la princesse eut l’appartement de la reine, et de Mme la Dauphine ensuite, et où, en arrivant, tout ce qui étoit demeuré à Paris de considérable se trouva et lui fut présenté tout de suite comme à Fontainebleau. Le roi et Mme de Maintenon firent leur poupée de la princesse, dont l’esprit flatteur, insinuant, attentif leur plut infiniment, et qui peu à peu usurpa avec eux une liberté que n’avoit jamais osé tenter pas un des enfants du roi, et qui les charma. Il parut que M. de Savoie étoit bien informé à fond de notre cour, et qu’il avoit bien instruit sa fille ; mais ce qui fut vraiment étonnant, c’est combien elle en sut profiter, et avec quelle grâce elle sut tout faire. Rien n’est pareil aux cajoleries dont elle sut bientôt ensorceler Mme de Maintenon, qu’elle n’appela jamais que ma tante, et avec qui elle en usa avec plus de dépendance et de respect qu’elle n’eût pu faire pour une mère et pour une reine, et avec cela une familiarité et une liberté apparentes qui la ravissoient et le roi avec elle.

Mlles de Soissons, qui tenoient dans Paris une conduite fort étrange et qui ne venoient point à la cour, eurent défense de voir la princesse. Elles étoient sœurs du comte de