Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/475

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lui voulut donner la place du conseil des finances ; mais les mêmes raisons et le même esprit de retraite qui lui avoient fait refuser de traiter la paix, le firent remercier de cette place, que Pomereu eut à son refus. C’étoit un conseiller d’État fort distingué en capacité, en lumière et en esprit, vif, actif, très intègre et laborieux, mais brusque, plus que vif, capricieux, et que sa femme et ses domestiques ne laissoient pas toujours voir, même à ses amis les plus intimes ; il en avoit et savoit les mériter ; il l’étoit fort de mon père, et fut toujours des miens. C’est le premier intendant qui ait été en Bretagne avec cette qualité et ce pouvoir.

Le fils aîné du comte d’Auvergne acheva de se déshonorer de tous points par un combat qu’il fit contre le chevalier de Caylus, au sortir duquel il courut, éperdu, par les rues, l’épée à la main dont il s’étoit très-misérablement servi. La querelle étoit venue pour du cabaret et des gueuses. Caylus, qui étoit fort jeune et qui s’étoit bien battu, se sauva hors du royaume ; et le comte d’Auvergne profita de cette triste occasion pour que son fils n’y rentrât plus. C’étoit, de tous points, un misérable, fort déshonoré, qui, à force d’aventures honteuses, fut obligé de se laisser déshériter et de prendre la croix de Malte. Il fut pendu en effigie à la Grève, de cette dernière-ci, avec un grand regret de sa famille, non pas du jugement, mais de sa forme, parce que le parlement, qui ne connoît de princes que ceux du sang, y procéda comme pour le plus obscur gentilhomme, malgré toutes les tentatives de distinction dont MM. de Bouillon ne purent obtenir aucune. Cet exil hors du royaume fit depuis la fortune de Caylus. De cette même affaire, Mlle de Soissons fut chassée de Paris.

La paix s’approchant, le roi la prévint par un trait de vengeance contre milord Galloway, dont il n’auroit plus été temps bientôt après. Il étoit fils de Ruvigny, et c’est ce qu’il faut expliquer. Ruvigny étoit un bon mais simple gentilhomme,