Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/500

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le roi lui défendit. M. de Meaux là-dessus envoya son livre au pape, et M. de Cambrai eut la douleur de recevoir une réponse sèche du pape, et de voir M. de Meaux triompher de la sienne[1]. Rien de plus adroit, de plus insinuant, de plus flatteur que la lettre de M. de Cambrai. L’art, la délicatesse, l’esprit, le tour y brilloient, et, tout en ménageant certains termes trop grossiers pour l’honneur de l’épiscopat et des maximes du royaume, il y fit litière de l’un et de l’autre, sous prétexte de modestie et d’humilité personnelles ; elle ne laissa pas par cela même de faire pour lui un bon effet dans le monde. En général on est envieux, et on n’aime pas l’air d’oppression. Tout étoit déclaré contre lui : ses parties, devenues ses juges par le renvoi de son livre à leur examen ; elles venoient de profiter des vacances de M. de Metz. On lui passa donc les flatteries de sa lettre en faveur du tour et de la nécessité, et il vit une lueur de retour du public.

Pour achever de suite ce qui s’en peut dire pour cette année, il ne jouit pas longtemps de cette petite prospérité. Elle fit peur à ses ennemis. Ils irritèrent le roi, qui, sans le vouloir voir, lui fit dire de s’en aller sur-le-champ à Paris, et de là dans son diocèse, d’où il n’est jamais sorti depuis. En envoyant cet ordre à M. de Cambrai, le roi envoya chercher Mgr le duc de Bourgogne, avec lequel il fut longtemps seul dans son cabinet, apparemment pour le déprendre de son précepteur auquel il étoit fort attaché, et qu’il regretta avec une amertume que la séparation de tant d’années n’a jamais pu affaiblir. M. de Cambrai ne demeura que deux jours à Paris. En partant pour Cambrai, il laissa une lettre à un de ses amis qu’on ne douta pas qu’il ne fût M. de Chevreuse et qui incontinent après devint publique. Elle parut

  1. Toutes trois se trouveront aux pages 1 et 2 des pièces (note de Saint-Simon). Cette note, plusieurs fois reproduite dans le cours de ces Mémoires, prouve que Saint-Simon y avait joint de nombreuses pièces justificatives, elles n’ont pas été retrouvées. Il est probable qu’elles sont encore aux archives du ministère des affaires étrangères, où les manuscrits de Saint-Simon furent longtemps déposés.