Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/156

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de Retz, étoient en adoration, et disposoient du parlement de Paris et de tout le parti. Mme de Chevreuse, qui dans des intérêts souvent si opposés à ceux du cardinal Mazarin conservoit toujours sa place dans le cœur de la reine, et son ascendant sur son esprit timide, défiant, incertain et variable, avoit introduit dans son amitié la princesse de Guéméné sa belle-sœur, et la duchesse de Montbazon leur belle-mère, mais surtout Mme de Guéméné avoit plu infiniment à la reine par le liant, les grâces et l’artifice caché de son esprit. Cela fut cultivé d’une part et protégé de l’autre avec tant de soin par Mme de Chevreuse, que Mme de Guéméné fut de tous les particuliers, et la reine l’approchoit d’autant plus d’elle, qu’elle en apprenoit tout ce que l’autre vouloit bien à la vérité lui dire d’une cabale où elle étoit de tout, et dont elle ne disoit à la reine que ce qui étoit utile à leurs desseins.

Dans ces conversations, ou seule avec la reine, ou en tiers avec elle et Mme de Chevreuse, la reine la faisoit asseoir. C’étoit une commodité pour causer plus longtemps, qu’elle accordoit bien seule ainsi à d’autres, et même au commandeur de Jars, qui sans façon se mettoit dans un fauteuil. La reine alloit souvent au Val-de-Grâce, Mme de Guéméné l’y alloit voir. D’autres dames y étoient quelquefois reçues, et y trouvoient Mme de Guéméné assise, qui se levoit, puis se rasseyoit sans façon, tellement que, le Val-de-Grâce devenant peu à peu plus étendu, elle accoutuma imperceptiblement et poliment ces demi-particuliers à son tabouret. À la fin, la belle-mère et les belles-sœurs crurent qu’il étoit temps d’aller plus loin. Mme de Guéméné n’alla plus au Palais-Royal que de loin à loin, et à mesure que la reine se plaignoit de son absence ; puis elle la laissa demander pourquoi elle ne la voyoit point, et cessa enfin tout à fait d’y aller. La reine en parloit souvent à Mme de Montbazon et à Mme de Chevreuse. Les excuses s’épuisèrent, et Mme de Chevreuse prit son temps de dire franchement à la reine à