Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/224

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représenta au parlement la nécessité de réprimer cette audace, ce furent ses propres termes, et d’apprendre aux Barrois que leur plus grand honneur consistoit en leur mouvance de la couronne. Sur quoi, arrêt du parlement qui enjoint à ce tribunal de Bar diverses choses, entre autres de ne jamais nommer le roi que le roi seulement, et ce à peine de suspension, interdiction et même privation d’offices, à quoi il fallut obéir. M. de Lorraine en fit excuse et cassa celui qui l’avoit fait.

Avant de quitter les étrangers il faut dire que la jalousie de Venise contre Savoie sur le traitement de leurs ambassadeurs, par la prétention réciproque de la couronne de Chypre, ne cessa de faire instance d’avoir les mêmes avantages sur le traitement entier de tête couronnée qu’on venoit d’accorder à l’ambassadeur de Savoie depuis le mariage de Mme la duchesse de Bourgogne, et ils l’obtinrent en ce temps-ci.

Le maréchal de Villeroy, si galant encore à son âge, si paré, d’un si grand air, si adroit aux exercices et qui se piquoit tant d’être bien à cheval et d’y fatiguer plus que personne, courut si bien le cerf à Fontainebleau, sans nécessité, qu’il manifesta au monde deux grosses descentes, une de chaque côté, dont personne ne s’étoit jamais douté, tant il les avoit soigneusement cachées. Un accident terrible le surprit à la chasse. On eut peine à le rapporter à bras. Il voulut dérober à la cour le spectacle de cette sorte de honte pour un homme si bien fait encore, et si fort homme à bonnes fortunes.

Il se fit emporter dès le lendemain sur un brancard à Villeroy, puis gagner la Seine et à Paris en bateau. Maréchal, fameux chirurgien, lui fit la double opération avec un succès qui surprit les connoisseurs en cet art, et le rappela à la vie qu’il fut sur le point de perdre plus d’une fois. Le roi parut s’y intéresser beaucoup. Il y gagna la guérison radicale de ses deux descentes.

Pendant qu’on étoit à Fontainebleau on apprit la mort de