Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/271

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Cambrai dit qu’il n’avoit rien à ajouter à la première réponse qu’il avoit faite à la proposition de M. de Saint-Omer, ainsi que c’étoit aux deux autres prélats à décider, à l’avis desquels il déclaroit par avance qu’il s’en rapporteroit sans répliquer. MM. d’Arras et de Tournai se hâtèrent d’opiner pour l’avis de M. de Cambrai, et imposèrent avec indignation à M. de Saint-Omer, qui ne cessa de murmurer et de menacer entre ses dents. Il se trouva fort loin de son compte. Le gros du monde s’éleva contre lui ; la cour même le blâma, et quand il y reparut, il n’y trouva que de la froideur parmi ceux même qu’il regardoit comme ses amis, et qui ne l’étoient ni de M. de Cambrai ni des siens.

Il mourut en ce même temps un des hommes de la cour qui avoit le nez le plus tourné à une grande fortune ; ce fut le comte de Mailly. Il étoit fils du vieux Mailly et de la Bécasse, qu’on appeloit ainsi à cause de son long nez, qui étoit devenue seule héritière de la riche branche de Montcavrel de la maison de Montchi, dont les Hocquincourt faisoient une autre branche. Le père et la mère, quoique gens de qualité et de beaucoup d’esprit tous deux, n’ont guère été connus que par le nombre de procès qu’ils ont su gagner, la belle maison vis-à-vis le pont Royal qu’ils ont bâtie, et les grands biens qu’ils ont amassés et acquis, étant nés l’un et l’autre fort pauvres. Le maréchal de Nesle, leur aîné, étoit mort maréchal de camp de ses blessures au siège de Philippsbourg, en 1688, et n’avoit laissé qu’un fils et une fille de la dernière de l’illustre maison de Coligny, belle comme le jour, qu’il avoit épousée malgré père et mère, et le comte de Mailly, dont il s’agit ici, leur quatrième fils. On a vu comme Mme de Maintenon en fit le mariage avec Mlle de Saint-Hermine, fille d’un de ses cousins germains, lorsque j’ai parlé du mariage de Mme la duchesse de Chartres dont elle fut dame d’atours, et ensuite de Mme la duchesse de Bourgogne. Mailly étoit un homme bien fait, d’un visage agréable mais audacieux, comme étoit son esprit et