heures avec lui. M. de Pomponne en rendit compte au roi en particulier, qui voulut que Pomponne en parlât plus amplement à un conseil d’État où Monseigneur n’étoit point, et où il n’y avoit que les ministres, qui lors, outre lui, étoient le duc de Beauvilliers, Pontchartrain et Torcy, et nuls autres. Ce conseil fut long, peut-être aussi y parla-t-on d’autre chose après. Ce qui arriva ensuite fut que le roi voulut entretenir le maréchal ; il ne s’en cacha point ; il le vit dans ses cabinets, et le fit monter par le petit degré qui en descend sur la cour de Marbre par où il passe pour aller à la chasse, ou se promener. Quelques jours après, il le vit encore de même, et à chaque fois fut près d’une heure seul avec lui, et prit garde que personne ne fût à portée d’eux. Le lendemain de la première fois qu’il l’eut entretenu, comme il descendoit par ce même petit escalier pour aller à la chasse, M. de Duras, qui avoit le bâton et qui étoit sur le pied d’une considération et d’une liberté de dire au roi tout ce qu’il lui plaisoit, se mit à parler de ce maréchal avec mépris, et à dire le mauvais proverbe, que cet homme-là étoit un fou ou que le roi n’étoit pas noble. À ce mot, le roi s’arrêta, et se tournant au maréchal de Duras, ce qu’il ne faisoit presque jamais en marchant : « Si cela [est], lui dit-il, je ne suis pas noble, car je l’ai entretenu longtemps ; il m’a parlé de fort bon sens, et je vous assure qu’il est fort loin d’être fou. » Ces derniers mots furent prononcés avec une gravité appuyée qui surprit fort l’assistance, et qui en grand silence ouvrit fort les yeux et les oreilles. Après le second entretien, le roi convint que cet homme lui avoit dit une chose qui lui étoit arrivée il y avoit plus de vingt ans, et que lui seul savoit, parce qu’il ne l’avoit jamais dite à personne, et il ajouta que c’étoit un fantôme qu’il avoit vu dans la forêt de Saint-Germain, et dont il étoit sûr de n’avoir jamais parlé. Il s’expliqua encore plusieurs fois très-favorablement sur ce maréchal, qui étoit défrayé de tout par ses ordres, qui fut renvoyé aux dépens du roi, qui lui fit