Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/369

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

maître ne lui pardonneroit jamais s’il faisoit la moindre chose du monde moins que l’ambassadeur de Venise. Torcy n’envoya point son carrosse. Cette tentative, ainsi manquée presque aussitôt qu’aperçue et tournée en prétention, fut rejetée dans la suite par tous les autres ambassadeurs, et finalement les choses revinrent dans l’ordre. Torcy renvoya son carrosse aux autres entrées, et il ferma la marche le pénultième de tous, suivi seulement de celui de l’introducteur des ambassadeurs.

Il y eut une autre difficulté de différente espèce, et qui mortifia le roi. On a vu ci-devant comme il fit singulièrement merveilles au nonce Delfin sur son chapeau. Il avoit amené peu à peu tous les ambassadeurs à visiter MM. du Maine et de Toulouse comme les princes du sang, et sans différence aucune.

Le nonce Cavallerini, prédécesseur de celui-ci, et fait cardinal en France comme lui, se laissa aller à les visiter de même. Il en fut tancé, et si mal reçu à son retour à Rome, que Delfin n’osa l’imiter. Les cardinaux, accoutumés à l’usurpation générale dont ils jouissent partout, croyoient être fort descendus depuis les cardinaux de Richelieu et Mazarin, de traiter d’égal avec les princes du sang, et de leur donner la main chez eux, ce qui n’étoit pas du temps de ces deux premiers ministres. La donner aux bâtards du roi, et en acte de cérémonie, leur parut monstrueux. On négocia un mois durant, sans le pouvoir fléchir ainsi, quoiqu’on fût d’ailleurs fort content de lui pendant sa nonciature, il ne put avoir ni audience de congé, ni même audience secrète, ni lettres de récréance, et il fut privé du présent de dix-huit mille livres en vaisselle d’argent, qu’on a coutume de faire aux nonces-cardinaux à leur départ, et il s’en alla sans dire adieu à personne.

Autre tracasserie : le cardinal de Bouillon, absent et grand aumônier, étoit en disgrâce de l’affaire de M. de Cambrai ; l’archevêque de Paris, au contraire, étoit en faveur. La Chapelle, qui se prétend exempte de la juridiction de l’ordi-