Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/424

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si abusifs, sans l’avoir pu induire à entendre à aucune sorte de modération ; il espéra de sa patience, et de temps en temps revint à la charge et toujours sans aucun succès. Lassé enfin, il crut devoir user, pour le rétablissement d’un meilleur ordre, de la conjoncture où il étoit : il attaqua son chapitre en justice, où il sentoit bien qu’il ne réussiroit pas, mais le procès engagé, il le fit évoquer pour être jugé par le roi lui-même.

Un bureau de conseillers d’État avec un maître des requêtes, rapporteur, travailla contradictoirement sur cette affaire, et lorsqu’elle fut instruite, ce bureau entra au conseil des dépêches[1] où le rapporteur la rapporta.

L’usurpation étoit si ancienne, si confirmée par les papes, par les rois, par un usage non interrompu, que tous ceux qui étoient à ce conseil, convenant de la difformité de l’usurpation et du désordre, furent pourtant d’avis de maintenir le chapitre en tout. Le roi leur laissa tout dire tant qu’ils voulurent, sans montrer ni impatience ni penchant. Tout le monde ayant achevé d’opiner : « Messieurs, leur dit-il, j’ai très-bien entendu l’affaire et vos opinions à tous, mais votre avis n’est pas le mien, et je trouve la religion, la raison, le bon ordre et la hiérarchie si blessés par les usurpations du chapitre, que je me servirai en cette occasion, contre ma constante coutume, de mon droit de décision, et je prononce en tout et partout en faveur de l’évêque de Chartres. » L’étonnement fut général, tous se regardèrent ; M. le chancelier, qui n’aimoit pas M. de Chartres, fort sulpicien, fit quelques représentations.

Le roi l’écouta, puis lui dit qu’il persistoit, le chargea de dresser l’arrêt conformément aux conclusions de M. de Chartres, et lui ordonna de plus de lui apporter l’arrêt le lendemain, qui fut une défiance qui dut peiner le chancelier.

Malgré une volonté si rare et si marquée, le chancelier,

  1. Voy. sur le conseil des dépêches la noie à la fin du t. Ier. p. 446.