Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/425

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ou piqué, ou plein du droit du chapitre, ou craignant qu’en certaines affaires le roi s’accoutumât à l’exercice de ce droit, osa adoucir l’arrêt en faveur du chapitre. Le roi écouta encore ses raisons, puis raya lui-même l’arrêt, et se le fit apporter le lendemain tel en tout qu’il l’avoit ordonné. Ce fut un grand dépit au chancelier, qui ne le put cacher à l’évêque de Chartres lorsqu’il l’alla voir. Ce prélat, qui avec les défauts d’un homme nourri et pétri de Saint-Sulpice, était un grand et saint évêque, se contenta d’avoir vaincu et remis les choses dans l’ordre naturel et dans la règle sans user de son arrêt après l’avoir fait signifier, et ne songea qu’à regagner l’amitié de son chapitre, dont cette modération et l’estime qu’il ne pouvoit lui refuser facilita fort le retour. Ce prélat étoit fort loin d’être janséniste ni quiétiste, comme on a vu ; mais, d’autre part, il n’aimoit point les jésuites, les tenoit de court et bas, et partageoit fort avec le P. de La Chaise la distribution des bénéfices sans en prendre pour soi ni pour les siens. Malheureusement, comme je l’ai dit ailleurs, ses choix ne furent pas bons ; il infecta l’épiscopat d’ignorants, entêtés, ultramontains, barbes sales de Saint-Sulpice et de tous gens de bas lieu et du plus petit génie, ce qui n’a été que trop suivi depuis.

L’archevêque de Reims, ravi de présider l’assemblée du clergé lors fort bien composée, y brilla par sa doctrine, par sa capacité, par sa dépense. Il était fort bien avec le roi et fort soutenu de Barbezieux, son neveu, qui tiroit de sa place une grande autorité. Dans les commencements, le prélat contraignoit son naturel brutal comme sont tous ceux de sa famille, et plus que qui que ce soit les bourgeois porphyrogénètes[1], c’est-à-dire nés dans toute la considération et le crédit d’un long et puissant ministère ; mais peu à peu l’homme revient à son naturel. Celui-ci bien ancré, ce lui sembloit, dans l’assemblée, s’y contraignit moins et de l’un

  1. On donnait le nom de porphyrogénètes. ou nés dans la pourpre, aux fils des empereurs byzantins nés depuis l’avènement de leur père au trône.