Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/429

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Chaise en fit la fonction quelque temps, et le P. Martineau remplit après cette place. Le P. Valois étoit un de ceux qui avoient tenu pour M. de Cambrai.

C’étoit un homme doux, d’esprit et de mérite, qui fut et qui mérita d’être regretté.

Le Nôtre mourut presque en même temps, après avoir vécu quatre-vingt-huit ans dans une santé parfaite, [avec] sa tête et toute la justesse et le bon goût de sa capacité ; illustre pour avoir le premier donné les divers dessins de ces beaux jardins qui décorent la France, et qui ont tellement effacé la réputation de ceux d’Italie qui, en effet, ne sont plus rien en comparaison, que les plus fameux maîtres en ce genre viennent d’Italie apprendre et admirer ici. Le Nôtre avoit une probité, une exactitude, et une droiture qui le faisoit estimer et aimer de tout le monde. Jamais il ne sortit de son état ni ne se méconnut, et fut toujours parfaitement désintéressé. Il travailloit pour les particuliers comme pour le roi, et avec la même application ; ne cherchoit qu’à aider la nature, et à réduire le vrai beau aux mains de frais qu’il pouvoit ; il avoit une naïveté et une vérité charmante. Le pape pria le roi de le lui prêter pour quelques mois. En entrant dans la chambre du pape, au lieu de se mettre à genoux, il courut à lui. « Eh ! Bonjour, lui dit-il, mon révérend père, en lui sautant au cou et l’embrassant et le baisant des deux côtés. Eh ! que vous avez bon visage, et que je suis aise de vous voir et en si bonne santé !  » Le pape, qui étoit Clément X, Altieri, se mit à rire de tout son cœur. Il fut ravi de cette bizarre entrée, et lui fit mille amitiés.

À son retour le roi le mena dans ses jardins de Versailles, où il lui montra ce qu’il y avoit fait depuis son absence. À la colonnade il ne disoit mot. Le roi le pressa d’en dire son avis : « Eh bien ! sire, que voulez-vous que je vous dise ? d’un maçon vous avez fait un jardinier (c’étoit Mansart) ; il vous a donné un plat de « son métier. » Le roi se tut et chacun