Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/430

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sourit ; et il étoit vrai que ce morceau d’architecture, qui n’étoit rien moins qu’une fontaine et qui la vouloit être, étoit fort déplacé dans un jardin. Un mois avant sa mort, le roi, qui aimoit à le voir et à le faire causer, le mena dans ses jardins, et, à cause de son grand âge, le fit mettre dans une chaise que des porteurs rouloient à côté de la sienne, et Le Nôtre disoit là : « Ah ! mon pauvre père, si tu vivois et que tu pusses voir un pauvre jardinier comme moi, ton fils, se promener en chaise à côté du plus grand roi du monde, rien ne manqueroit à ma joie. » Il étoit intendant des bâtiments et logeoit aux Tuileries, dont il avoit soin du jardin, qui est de lui, et du palais. Tout ce qu’il a fait est encore fort audessus de tout ce qui a été fait depuis, quelque soin qu’on ait pris de l’imiter et de travailler d’après lui le plus qu’il a été possible. Il disoit des parterres qu’ils n’étoient bons que pour les nourrices qui, ne pouvant quitter leurs enfants, s’y promenoient des yeux et les admiroient du deuxième étage. Il y excelloit néanmoins comme dans toutes les parties des jardins, mais il n’en faisoit aucune estime, et il avoit raison, car c’est où on ne se promène jamais.

Labriffe, procureur général, mourut bientôt après, d’une longue maladie, du chagrin dans lequel il vécut dans cette charge, des dégoûts et des brocards dont le premier président Harlay l’accabla. J’ai assez parlé de ce magistrat, à propos du procès de préséance de M. de Luxembourg, pour n’avoir rien à y ajouter. D’Aguesseau, avocat général, eut sa charge. C’est lui aussi dont j’ai parlé à la même occasion, et qui longtemps depuis a fait une si grande et si triste fortune.