Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/150

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Trente, à qui il ne fit pas grand mal. Il revint comme il put. Staremberg tourmenta fort ce retour, sur lequel il sut gagner trois marches, faire perdre force monde en détail à son ennemi et pousser à bout ses troupes de fatigues. Vaudemont, qui cependant avoit fait battre Murcé avec un gros détachement d’une manière plus que grossière, étoit à San-Benedetto, faisant fort le malade pressé d’aller aux eaux. Sa conduite, toujours soutenue, rendra toujours difficile à croire qu’il ne fût pas dans la bouteille, et qu’il ne fût pressé de se mettre à quartier de ce qui alloit arriver. Dès que le duc de Vendôme fut à San-Benedetto, il en partit pour s’aller mettre à l’abri de tous événements.

L’aveuglement sur lui fut tel, qu’il eut sur-le-champ qu’il le demanda le régiment d’Espinchal, tué à ce détachement de Murcé, pour le prince d’Elbœuf, neveu de sa femme.

M. de Vendôme manda au roi une belle et singulière action de Duquesne- Monier, qui commandoit les vaisseaux du roi dans le golfe de Venise. Il sut que les Impériaux avoient de grands magasins dans Aquilée, qui est à sept lieues dans les terres. Il s’embarqua sur des chaloupes avec cent vingt soldats, remonta la petite rivière qui vient d’Aquilée, et qui est si étroite qu’il y avoit des endroits où il ne pouvoit passer qu’une chaloupe à la fois. Il trouva deux forts sur son passage, mit pied à terre avec ses gens, les emporta, et au dernier, Beaucaire, capitaine de frégate, qui commandoit les cent vingt soldats, poursuivit ceux du fort jusque dans Aquilée qu’il pilla, brûla les magasins malgré deux cents hommes de troupes réglées et beaucoup de milices qui étoient là, ne perdit presque personne et revint trouver Duquesne qui l’attendoit vis-à-vis du dernier fort qu’il avoit pris. Cela arriva vers la fin de juillet.

Le samedi 4 août, le roi étant à Marly, Mme la duchesse d’Orléans accoucha d’un prince à Versailles ; M. le duc d’Orléans vint demander au roi la permission de lui faire porter le nom de duc de Chartres, et l’honneur d’être son parrain.