Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/174

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prit nécessairement aussi connoissance de toutes les affaires. Déjà conduisant la reine, qui avoit mis en elle toute l’affection et la confiance d’une jeune personne qui ne connoissoit qu’elle, qui en dépendoit entièrement pour sa conduite particulière et pour ses amusements, et qui y trouvoit toutes les grâces, la douceur, la complaisance, et la ressource possible, Mme des Ursins la rendit assidue à la junte pour y être assidue elle-même, et sut fort bien user du respect des Espagnols pour leur princesse et de ce commencement d’affection qui naissoit déjà en eux pour elle, pour lui faire porter les affaires même hors de la junte, qui n’étoient pas de nature à y passer avant qu’avoir été examinées par les deux ou trois têtes principales, telles que le cardinal Portocarrero, Arias et Ubilla, à qui je donnerai désormais le nom de marquis de Rivas, du titre de Castille que le roi d’Espagne lui conféra. Il étoit l’âme de tout, comme secrétaire de la dépêche universelle, et comme ayant été du secret et principal acteur du testament qu’il avoit dressé en faveur de Philippe V.

On peut croire que la princesse des Ursins n’avoit pas négligé de faire soigneusement sa cour à la nôtre, et d’y rendre tous les ordinaires un compte exact de tout ce qui regardoit la reine, jusqu’aux plus petits détails, et de la faire valoir le plus qu’il lui étoit possible. Ces comptes s’adressoient à Mme de Maintenon, et passoient au roi par elle ; en même temps elle n’étoit pas moins attentive à informer de même le roi d’Espagne en Italie, et à former la reine à lui écrire, et à Mme la duchesse de Bourgogne sa sœur. Les louanges que la princesse des Ursins donnoit par ses lettres à la reine tombèrent peu à peu fort naturellement sur les affaires ; et comme elle étoit témoin de ce qui s’y passoit, peu à peu aussi elle s’étendit sur les affaires mêmes, et accoutuma ainsi les deux rois à l’en voir instruite par la nécessité d’accompagner la reine, sans leur donner de soupçon d’ambition et de s’en vouloir mêler. Ancrée insensiblement