Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/212

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après dîner, ayant pris médecine. Au lieu de s’en approcher, il gagna par derrière le monde la porte du cabinet, et y fit sa révérence comme le roi y passa. Le roi le reçut comme il méritoit de l’être, le fit entrer avec lui, l’entretint peu avant le conseil, et le remit au lendemain chez Mme de Maintenon.

Le cardinal d’Estrées arriva presque en même temps et salua le roi sortant de chez Mme de Maintenon pour aller à son souper. Il l’embrassa par deux fois, lui fit un grand accueil, et l’entretint à quelques jours de là dans son cabinet. Quelques jours après, Louville arriva à Paris, où je causai avec lui tout à mon aise et à beaucoup de longues reprises.

Rouillé, revenant de l’ambassade de Portugal d’où il étoit parti avant la rupture, fut aussi très bien reçu. C’étoit un homme fort sage, fort avisé et fort instruit, qui avoit conclu le traité qu’on ne put tenir. Châteauneuf, qui avoit été ambassadeur à Constantinople, étoit allé le relever, et alla par l’Espagne jusqu’aux frontières de Portugal, où il trouva qu’il n’avoit plus rien à faire.

La guerre devenant très prochaine en Espagne du côté du Portugal, le roi d’Espagne fit venir de Flandre le comte de Serclaës pour y commander ses troupes avec quelques autres officiers généraux sous lui, que le roi gracieusa fort en passant. Il résolut aussi d’y envoyer un corps d’armée, et choisit le duc de Berwick pour le commander, et Puységur pour y servir sous lui d’une façon principale, et y être le directeur unique de l’infanterie, cavalerie et dragons. C’étoit un simple gentilhomme de Soissonnois, mais de très bonne et ancienne noblesse, du père duquel il y a d’excellents Mémoires imprimés, et qui étoit pour aller fort loin à la guerre et même dans les affaires. Celui-ci avoit percé le régiment du roi infanterie jusqu’à en devenir lieutenant-colonel ; le roi, qui distinguoit ce régiment sur toutes ses autres troupes, et qui s’en mêloit immédiatement comme