Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/223

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tort qu’il leur avoit fait, et il trouva qu’il alloit à quarante mille livres. Il n’en fit point à deux fois, il les paya et les répartit de son argent, puis demanda à être rappelé. On étoit si content de lui qu’on eut peine à lui accorder sa demande ; mais il représenta si bien qu’il ne pouvoit passer sa vie à faire du mal et à ne pouvoir soulager personne, ni faire plaisir à qui que ce fût, qu’il obtint enfin de n’être plus intendant[1]. Il se tourna aux négociations et eut plusieurs ambassades où il réussit parfaitement. Il signa les traités de Heilbronn, de Breda, et plusieurs autres, et fut longtemps et utilement ambassadeur en Angleterre, où, par Mme de Portsmouth, il faisoit faire au roi Charles II tout ce qu’il vouloit. Il le lui rendit bien dans la suite.

Revenue en France et Charles II mort, elle y étoit avec peu de considération par la vie qu’elle y menoit dans Paris. Il revint au roi qu’on s’étoit licencié chez elle, et elle-même de parler fort librement de lui et de Mme de Maintenon ; sur quoi M. de Louvois eut ordre d’expédier une lettre de cachet pour l’exiler fort loin. Courtin étoit ami intime de M. de Louvois. Il avoit une petite maison à Meudon, et il étoit sur le pied d’entrer librement dans son cabinet à toutes heures. Un soir qu’il y entra et que M. de Louvois écrivoit seul, et qu’il continuoit d’écrire, Courtin vit cette lettre de cachet sur son bureau. Quand Louvois eut fini, Courtin lui demanda avec émotion ce que c’étoit que cette lettre de cachet. Louvois lui dit la cause. Courtin s’écria que c’étoit sûrement quelque mauvais office ; mais que, quand le rapport seroit vrai, le roi étoit payé pour n’aller pas contre elle au delà d’un avis d’être plus circonspecte, et qu’il le prioit et le chargeoit de le dire de sa part au roi, avant que de l’envoyer ; et que, si le roi ne vouloit pas l’en croire sur sa parole, il fît au moins, avant de passer outre, voir les dépêches

  1. Quoique cette anecdote ait déjà été racontée par Saint-Simon (t. Ier, p. 393), nous n’avons pas cru devoir supprimer ce passage qui n’est pas la reproduction littérale du précédent.