Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/229

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Montbazon. Elle étoit fille de M. de Bouillon, belle et jeune, très souvent à la cour, et de tous côtés propre à faire la planche. Elle étoit à Paris, comme elles y alloient toutes aux approches de ces fêtes depuis nombre d’années. Elle s’excusa, et quoique se portant fort bien, répondit qu’elle étoit malade, se mit une demi-journée au lit, puis alla et vint à son ordinaire. Il n’en fut autre chose pour lors que de rendre le projet certain. La duchesse du Lude n’osa pousser la chose ; Mme la duchesse de Bourgogne non plus, quoiqu’elle se sentît piquée ; mais cela fit pourtant qu’aucune duchesse ne voulut ou n’osa plus quêter. Les dames de qualité effective ne furent pas Longtemps à s’en apercevoir. Elles sentirent que la quête demeureroit à elles seules et commencèrent aussi à l’éviter, de manière qu’elle tomba en toutes sortes de mains et quelquefois même on en manqua.

Cela alla si loin, que le roi s’en fâcha et qu’il fut sur le point de faire quêter Mme la duchesse de Bourgogne. J’en fus averti par les dames du palais, qui vouloient que nous n’allassions point à Paris pour la fête, et qui essayèrent de me faire peur que l’orage ne tombât sur moi, qui n’étois pas encore revenu auprès du roi d’avoir quitté le service. Je n’allois point à Marly et j’étois encore dans la situation avec lui que j’ai représentée en son lieu, et que ces dames me flattoient qui pourroit cesser par là. J’y consentis, à condition que j’aurois sûreté que ma femme ne seroit point nommée pour la quête ; et comme on ne me la put donner, nous nous en allâmes à Paris. La maréchale de Cœuvres, comme grande d’Espagne, refusoit toutes les quêtes, et la duchesse de Noailles, sa mère, donnoit pour elle la comtesse d’Ayen, sa belle-fille. À une autre fête, les deux filles duchesses de Chamillart, qui n’avoient pu éviter cette fois-là de se trouver à Versailles, furent averties pour quêter et refusèrent l’une et l’autre. Cela servit à faire crever la bombe.

Le roi, ennuyé de ces manèges, ordonna lui-même à M. le Grand de faire quêter sa fille le premier jour de l’an 1704,