Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/235

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il me le dit ; mais je ne jugeai pas à propos de le tenir si longtemps. Je finis donc par le supplier que, lorsqu’il lui reviendroit quelque chose de moi qui ne lui plairoit pas, il me fît la grâce de m’en faire avertir, si Sa Majesté ne daignoit me le dire elle-même, et qu’il verroit que cette bonté seroit incontinent suivie ou de ma justification, ou de mon aveu et du pardon que je lui demanderois de ma faute. Il demeura un moment après que j’eus cessé de parler, comme attendant si j’avois plus rien à lui dire ; il me quitta ensuite avec une petite révérence très gracieuse, en me disant que cela étoit bien, et qu’il était content de moi. Je me retirai en lui faisant une profonde révérence, extrêmement soulagé et content d’avoir eu le loisir de tout ce que je lui avois placé sur moi, sur les ducs, sur les princes, en particulier sur le grand écuyer, et plus persuadé que devant, par le souvenir du roi de l’affaire de la princesse d’Harcourt, et son silence sur M. le Grand, que c’étoit à lui que je devois ce que je venois encore une fois de confondre.

Sortant du cabinet du roi, l’air très satisfoit, je trouvai M. le Duc et quelques courtisans distingués, qui attendoient son botter dans sa chambre, qui me regardèrent fort passer, dans la surprise de la durée de mon audience, qui avoit été de demi-heure, chose très rare aux particuliers chargés de rien que d’en obtenir, et dont aucune n’alloit à la moitié du temps de celle que j’avois eue. Je montai chez moi tirer Mme de Saint-Simon d’inquiétude, puis j’allai chez Chamillart, que je trouvai sortant de table, au milieu de sa nombreuse audience ; où étoit la princesse d’Harcourt. Dès qu’il me vit, il quitta tout, et vint à moi. Je lui dis à l’oreille que je venois de parler au roi longtemps dans son cabinet, tête à tête, que j’étois fort content ; mais que, comme cela avoit été fort long et qu’il étoit alors accablé de gens, je reviendrois le soir lui tout conter. Il voulut le savoir à l’heure même, parce que, devant, me dit-il, travailler ce jour-là extraordinairement avec le roi, il vouloit être