Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/247

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étoit. M. de Montbazon s’alloit mettre à table. Il reçut la lettre, y répondit, la donna au valet de pied qui lui fit la révérence pour s’en retourner. « Non pas cela, lui dit le duc de Montbazon, vous êtes venu de la part du roi, vous me ferez l’honneur de dîner avec moi ;  » le prit par la main et le mena dans la salle, le faisant passer devant lui aux portes. Ce valet de pied confondu et qui ne s’attendoit à rien moins, se fit tirer d’abord, puis tout éperdu se laissa faire et mettre à la belle place. Il y avoit force compagnie à dîner, ce que le roi n’oublia pas, et toujours le valet de pied servi de tout le premier par le duc de Montbazon. Il but à la santé du roi, et pria le valet de pied de lui dire qu’il avoit pris cette liberté avec toute la compagnie. Au sortir de table, il mena le valet de pied sur le perron, et n’en partit point qu’il ne l’eût vu monter à cheval. « Cela s’appelle savoir vivre, » ajouta le roi. Il a fait ce conte couvent, et toujours avec complaisance, et, je pense, pour instruire les gens de ce qui lui étoit dû, et de quelle sorte les seigneurs anciens savoient en faire leur devoir.

Le duc de Noailles, au commencement de cette année, obtint enfin le consentement de Mme de Maintenon pour céder son duché à son fils, le comte d’Ayen, qui prit le nom de duc de Noailles et le père celui de maréchal.

Mme de Maintenon ne voulut jamais que sa nièce fût assise en se mariant, et lui fit acheter son tabouret par le délai de quelques années. Elle avoit de ces modesties qui sentoient fort le relan de son premier état, mais qui pourtant ne passoient pas l’épiderme.

Sainte-Mesme, d’une branche séparée de celle des maréchaux de L’Hôpital et de Vitry, mourut en ce commencement d’année. Je le remarque par la grande réputation qu’il s’étoit acquise parmi tous les savants de l’Europe ; grand géomètre, profond en algèbre et dans toutes les parties des mathématiques ; ami intime, et d’abord disciple du P. Malebranche, et si connu lui-même par son livre des Infiniment