Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/32

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épousé une sœur de Villars, fut chargé de la nouvelle et de sa lettre pour le roi ; il arriva le matin du mardi 17 octobre à Fontainebleau, et combla le roi de joie de sa victoire, d’avoir un passage sur le Rhin, et de pouvoir compter sur une prompte jonction avec l’électeur de Bavière. Le lendemain matin le comte d’Ayen arriva aussi, et par le détail, les drapeaux et les étendards augmenta fort la joie. Mais quand on sut qu’il ne s’étoit point trouvé à l’action, le ridicule fut grand, et sa faveur contraignit peu les brocards. Choiseul eut force louanges du roi du compte qu’il avoit rendu. Il eut le régiment qu’avoit le chevalier de Scève et mille pistoles. Il n’étoit que capitaine de cavalerie.

Le 20 octobre un courrier de Villars soutint habilement la bonne humeur du roi. Il lui manda la perte des ennemis bien plus grande qu’on ne la croyoit, tous les villages des environs de Friedlingen pleins de leurs blessés, sept pièces de canon trouvées abandonnées, le prince d’Anspach, deux princes de Saxe, et le fils de l’administrateur de Wurtemberg blessés et prisonniers, enfin leur armée tellement dispersée qu’elle n’avoit pas mille hommes ensemble. Biron détaché avec trois mille chevaux au-devant de l’électeur de Bavière, et Villars occupé à établir des forts et des postes au delà du Rhin, et à y rétablir la redoute vis-à-vis d’Huningue détruite par la paix de Ryswick.

Le samedi matin, 21 octobre, le comte de Choiseul fut redépêché à Villars avec un paquet du roi. On a vu en son lieu la source impure mais puissante de la protection de Mme de Maintenon pour lui. Le roi à son dîner le même jour le déclara seul maréchal de France. Il y voulut ajouter du retour. Le dessus du paquet fut suscrit : « M. le marquis de Villars, et dedans une lettre de la propre main du roi, fermée et suscrite : À mon cousin le maréchal de Villars. Choiseul en eut la confidence avec défense de la faire à personne, pas même à son beau-frère en lui remettant le paquet. Le roi voulut qu’il ne sût l’honneur qu’il lui faisoit