Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/334

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quoi que ce soit dedans pour la défendre, et pour toute garnison une quarantaine de gueux. Le prince de Darmstadt, qui étoit bien averti, profita d’une faute si capitale. Y aller et s’en emparer ne fut que la même chose, et la grandeur de cette perte ne fut sentie qu’après qu’elle fut faite. D’un autre côté, le même prince de Darmstadt, qui avoit été sous Charles II vice-roi de Catalogne, avoit conservé dans cette province beaucoup d’intelligences, et dans Barcelone quantité de créatures. On y méditoit une révolte, on la soupçonna, notre flotte y toucha. Le comte de Toulouse y mit pied à terre, il y fut quelque temps, et déconcerta entièrement le projet par les bonnes mesures qui furent prises. Mais il vouloit rencontrer la flotte de Rooke et la combattre. Il en avoit la permission ; il se rembarqua et l’alla chercher.

Il la rencontra auprès de Malaga, et, le 24 septembre, il la combattit depuis dix heures du matin jusqu’à huit heures du soir. Les flottes, pour le nombre des vaisseaux, étoient à peu près égales. On n’avoit vu de longtemps à la mer de combat plus furieux et plus opiniâtre. Ils eurent toujours le vent sur notre flotte. La nuit favorisa leur retraite. Vilette, lieutenant général qui avoit l’avant-garde, défit celle des ennemis. Tout l’avantage fut du côté du comte de Toulouse, dont le vaisseau se battit longtemps contre celui de Rooke et le démâta, qui put se vanter d’avoir remporté la victoire, et qui, profitant du changement du vent, poursuivit Rooke tout le 25, qui se retiroit vers les côtes de Barbarie. Ils perdirent six mille hommes, le vice-amiral Hollandois sauté, quelques-uns coulés bas et plusieurs démâtés. Notre flotte ne perdit ni bâtiment ni mat, mais la victoire coûta cher en gens distingués par leurs grades et plus encore par leur mérite, outre quinze cents soldats ou matelots tués ou blessés. Le bailli de Lorraine, fils de M. le Grand, et chef d’escadre, Bellisle et Évrard, chefs d’escadre, et un fils du maréchal de Châteaurenauld furent tués. Relingue,