Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/347

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Il se mouroit ; le grand vicaire, à qui on s’adressa, la refusa. Il dit qu’il n’étoit pas informé de la volonté du roi ; qu’un mariage ainsi célébré ne le seroit pas avec la dignité requise entre de telles personnes ; que, de plus, il se trouveroit dépouillé des formalités indispensablement nécessaires pour le mettre à couvert de toute contestation d’invalidité. Une si judicieuse réponse fâcha fort les dames sans leur faire changer de dessein. Elles pressèrent M. de Mantoue, lui représentèrent que ce mariage n’étoit pas de ceux où il y avoit des oppositions à craindre, le rassurèrent sur ce que, se faisant ainsi dans l’hôtellerie d’une ville de province, le respect au roi se trouvoit suffisamment gardé, le piquèrent sur son état de souverain qui l’affranchissoit des lois et des règles ordinaires, enfin le poussèrent tant, qu’à force de l’importuner elles l’y firent consentir.

Ils avoient dîné. Aussitôt le consentement arraché, elles firent monter l’aumônier de son équipage, qui les maria dans le moment. Dès que cela fut fait, tout ce qui étoit dans la chambre sortit pour laisser les mariés en liberté de consommer le mariage, quoi que pût dire et faire M. de Mantoue pour les retenir, lequel vouloit absolument éviter ce tête-à-tête. Mme de Pompadour se tint en dehors, sur le degré, à écouter près de la porte. Elle n’entendit qu’une conversation fort modeste et fort embarrassée, sans que les maris s’approchassent l’un de l’autre. Elle demeura quelque temps de la sorte, mais jugeant enfin qu’il ne s’en pouvoit espérer rien de mieux, et qu’à tout événement ce tête-à-tête seroit susceptible de toutes les interprétations qu’on lui voudroit donner, elle céda enfin aux cris que de temps en temps le duc de Mantoue faisoit pour rappeler la compagnie, et qui demandoit ce que vouloit dire de s’en aller tous et de les laisser ainsi seuls tous deux. Mme de Pompadour appela sa sœur. Elles rentrèrent ; aussitôt le duc prit congé d’elles, et quoiqu’il ne fût pas de bonne heure, monta à cheval et ne les revit qu’en Italie, encore qu’ils fissent même route jusqu’à Lyon.