Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/354

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d’avoir voulu changer de linge trop tôt et faire ouvrir ses fenêtres. C’étoit un homme d’assez peu agréable figure, qui avoit beaucoup d’esprit et l’esprit fort orné, avec beaucoup de valeur.

J’avois été élevé comme avec lui, c’est-à-dire à nous voir continuellement plusieurs que nous étions enfants, puis jeunes gens. Sa mère l’avoit gâté et c’étoit dommage, car il avoit des talents pour tout et beaucoup d’honneur.

Mais je n’ai connu personne plus follement glorieux ni plus continuellement avantageux. Il abusa donc de tout ce qu’il avoit de bon et d’utile, ne ménagea personne, voulut surpasser chacun en tout, et fut le fléau de sa femme, parce qu’elle étoit d’une maison souveraine qui avoit un rang qu’il n’avoit pas, et un crédit et une considération à la cour et dans le monde dont il ne vouloit pas qu’on crût qu’il voulût dépendre. Avec ce rang des siens et cette faveur si déclarée de Monseigneur, elle se conduisit avec lui comme un ange, sans qu’elle ait jamais pu rendre sa condition plus heureuse avec lui ; aussi se trouva-t-elle bien délivrée, quoiqu’en gardant toutes les bienséances.

Presque personne de la cour ni des armées ne le plaignit. Il laissa un fils et une fille, desquels la catastrophe mérita, trente ans après, la compassion de tout le monde, et combla les malheurs que leur mère avoit commencé d’éprouver.

Il arriva en ce mois de septembre un étrange assassinat. Le comte de Grandpré, chevalier de l’ordre en 1661, frère aîné du maréchal de Joyeuse, chevalier de l’ordre en 1688, mort sans enfants, avoit laissé des enfants de deux lits. Sa seconde femme étoit fille et sœur des deux marquis de Vervins, l’un après l’autre premiers maîtres d’hôtel du roi. Le dernier des deux mourut jeune en 1663. Il étoit gendre du maréchal Fabert, par conséquent beau-frère du marquis de Beuvron et de Caylus, père de celui qui a passé en Espagne, du mari de Mme de Caylus, nièce à la mode de Bretagne de Mme de Maintenon, et de l’abbé de Caylus que nous venons de voir évêque d’Auxerre.

Vervins avoit épousé l’aînée qu’il