Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/401

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

affaires de leur temps, être fils d’un homme de rien et tout à fait inconnu, frère du juge ordinaire de Lyon devenu lieutenant particulier civil et criminel de ce siège, et celui-là père du deuxième de ces deux premiers archevêques et du lieutenant général au présidial[1] et sénéchaussée de Lyon, qui succéda après à son beau-père en la place de premier président au parlement de Dombes.

Voilà un préambule étrange de ce qui va suivre. Le roi et Chamillart étoient fort étourdis d’Hochstedt et de ses grandes suites. C’étoit le premier revers qu’il avoit essuyé, et ce revers le ramenoit de l’attaque de la Bohême et de l’Autriche à la défense de l’Alsace, qui se regardoit comme très difficile après la perte de Landau, sans compter les États de l’électeur de Bavière et ses enfants, en proie à la vengeance de l’empereur. Tallard étoit prisonnier, Marsin sembloit trop neuf et trop futile pour se reposer sur lui d’un emploi si important. Villeroy, quel qu’il fût, étoit destiné pour la Flandre avec l’électeur. Boufflers étoit hors de gamme ; et tous les autres maréchaux aussi. De princes du sang, le roi n’en vouloit pour rien à la tête de ses armées : restoit Villars, car Harcourt se gardoit bien de se vouloir éloigner de la cour, ni Mme de Maintenon de s’en défaire dans la crise où ils se trouvoient pour lors ; Villars, comme on l’a vu, avoit comme Harcourt, et par les mêmes raisons paternelles, toute la protection de Mme de Maintenon, conséquemment celle de Chamillart, plus favori alors, s’il se peut encore, que ministre tout-puissant de la guerre et des

  1. On appelait lieutenants, dans l’ancienne organisation judiciaire de la France, les magistrats qui remplaçaient le premier officier d’un tribunal en cas d’absence. Ainsi le lieutenant général de la sénéchaussée de Lyon, dont parle ici Saint-Simon, remplaçait le sénèchal, qui était toujours un homme d'épée, dans la présidence du tribunal, qu’on pourrait comparer au tribunal de première instance de nos jours et qu’on appelait alors présidial. Ces tribunaux, subordonnés aux parlements, avaient une juridiction tout à la fois civile et criminelle. Dans certains cas, prévus par les ordonnances, ils jugeaient sans appel. On peut consulter, pour les détails, Jousse, De la juridiction des présidiaux.