Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/58

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pour lui [de la part] de tous les Lorrains[1], qu’il lui permit enfin en ce temps-ci de le venir saluer.

Sa femme, qui étoit de tous les voyages, favorite de Mme de Maintenon, par la forte et sale raison qu’on en a vue ailleurs, échoua pour lui sur Marly, où tous les maris alloient de droit, et sans être nommés dès que leurs femmes l’étoient. Elle s’abstint d’y aller, espérant que, pour continuer à l’y avoir, Mme de Maintenon obtiendroit la grâce entière. Elle s’y trompa ; Mme de Maintenon, qui se faisoit un devoir de la protéger en tout, ne laissoit pas d’en être souvent importunée, et de s’en passer fort bien. La peur qu’elle ne s’en passât tout à fait la fit bientôt retourner seule à Marly ; et le roi tint bon à n’y jamais admettre le prince d’Harcourt ; cela le ralentit sur la cour ; mais il retourna peu en province et se cantonna enfin en Lorraine.

Cette princesse d’Harcourt fut une sorte de personnage qu’il est bon de faire connoître, pour faire connoître plus particulièrement une cour qui ne laissoit pas d’en recevoir de pareils. Elle avoit été fort belle et galante ; quoiqu’elle ne fût pas vieille, les grâces et la beauté s’étoient tournées en gratte-cul. C’étoit alors une grande et grosse créature, fort allante, couleur de soupe au lait, avec de grosses et vilaines lippes, et des cheveux de filasse toujours sortants et traînants comme tout son habillement. Sale, malpropre, toujours intriguant, prétendant, entreprenant, toujours querellant et toujours basse comme l’herbe, ou sur l’arc-en-ciel, selon ceux à qui elle avoit affaire ; c’étoit une furie blonde, et de plus une harpie ; elle en avoit l’effronterie, la méchanceté, la fourbe et la violence ; elle en avoit l’avarice et l’avidité ; elle en avoit encore la gourmandise et la

  1. Le texte du manuscrit a été exactement reproduit. Les anciens éditeurs ont modifié ainsila phrase : « Ce ne fut qu’au bout de deux mois d’instances et de pardons de tous ses Zarcins. » Saint-Simon.toujours mal disposé pour les Lorraine, n’a pas manqué de rappeler que Harcourt était de leur maison et que ce fut à leurs instantes sollicitations qu’il dut son retour.