Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/77

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mon amitié, nous nous la promîmes, et nous nous la sommes toujours tendrement et fidèlement tenue dans tous les temps jusqu’à la mort. Il était outrément brouillé avec le chancelier et avec son fils, et eux avec lui. C’étoit à qui pis se feroit. Je crus donc, au sortir de l’Étang, leur devoir dire ce qui seroit passé entre Chamillart et moi ; le chancelier me reçut comme avoit fait M. de Beauvilliers en pareil cas sur lui ; sa femme et sa belle-fille de même, son fils autant bien qu’il put être en lui. Ils eurent tous de part et d’autre cette considération pour moi, et toujours soutenue, qu’en ma présence quand il y avoit quelqu’un, jamais ils ne parlèrent les uns des autres. Pour en particulier avec moi, ils ne s’en contraignirent pas tant. Ils se comptoient en sûreté avec moi, et ils ne s’y trompèrent jamais ; je devins donc de la sorte ami intime de Chamillart ; je l’étois déjà des ducs de Beauvilliers et de Chevreuse et du chancelier, et aussi bien avec Pontchartrain qu’il était possible. Cela m’initia dans bien des choses importantes, et me donna un air de considération à la cour fort différent de ceux de mon âge.

Chamillart ne fut pas longtemps sans me donner des preuves d’amitié. Sans que j’y pensasse, il voulut me raccommoder avec le roi ; quoiqu’il n’y pût réussir, je ne sentis pas moins cette tentative. Un jour que j’en parlois à sa femme, elle prit un air de plus de confiance encore qu’à l’ordinaire, et me dit qu’elle étoit ravie que je fusse plus content d’eux que je ne l’avois cru, et sur ce que je lui parus n’entendre point ce langage, elle me dit qu’ils savoient bien que je ne voulois point du tout que mon beau-frère épousât leur fille, mais qu’elle m’avouoit qu’elle étoit fort curieuse de savoir pourquoi. Dans ma surprise, je tournai court et je lui dis qu’il étoit vrai ; et que puisqu’elle en vouloit savoir la raison, je la lui dirois avec la même franchise. Il n’étoit pourtant pas à propos de l’avoir entière là-dessus avec elle. Je lui dis que j’avois toujours pensé, sur les mariages, qu’il